Introduction
Après avoir exploré les fondements bibliques de la confiance et le témoignage des Pères et Docteurs de l'Église, nous abordons maintenant la question la plus concrète : comment vivre cette confiance aujourd'hui, dans le monde contemporain avec ses défis spécifiques ?
Notre époque est marquée par des bouleversements sans précédent : accélération technologique, crises écologiques, incertitudes économiques, mutations sociales profondes. Dans ce contexte d'instabilité généralisée, la confiance chrétienne peut-elle encore parler au cœur de nos contemporains ? N'est-elle pas un vestige d'une époque révolue, où la vie était plus simple et les certitudes plus solides ?
Au contraire, nous verrons que la confiance chrétienne est plus pertinente que jamais. Loin d'être une fuite devant les défis de notre temps, elle est la réponse la plus réaliste et la plus libératrice face à l'anxiété qui caractérise nos sociétés modernes.
I. Les obstacles contemporains à la confiance
1.1. La culture de l'autonomie absolue
Notre époque a fait de l'autonomie individuelle une valeur cardinale, presque sacrée. « Je suis maître de moi-même », « je ne dépends de personne », « je construis ma propre vie » : ces affirmations résonnent partout dans notre culture contemporaine.
Cette exaltation de l'autonomie n'est pas sans fondement. Elle correspond à une aspiration légitime à la liberté, à la responsabilité personnelle, au refus des tutelles arbitraires. La Déclaration universelle des droits de l'homme et les démocraties modernes reposent sur cette reconnaissance de l'autonomie de la personne.
Cependant, quand l'autonomie devient absolue, elle se transforme en illusion dangereuse. L'homme contemporain veut tout maîtriser : son corps (biotechnologies), son environnement (technologies), son avenir (planification rationnelle). Il refuse toute dépendance, toute limite, tout ce qui échappe à son contrôle.
Cette prétention à l'autonomie absolue rend la confiance chrétienne presque incompréhensible. Comment parler d'abandon à Dieu à quelqu'un qui refuse toute dépendance ? Comment inviter au lâcher-prise quelqu'un qui veut tout contrôler ?
Pourtant, cette autonomie absolue est une illusion. Nous dépendons de mille facteurs que nous ne maîtrisons pas : notre naissance, notre santé, les autres, les événements du monde, et finalement la mort. Vouloir tout contrôler ne génère que frustration et anxiété. La confiance chrétienne, en nous invitant à reconnaître lucidement notre condition de créatures limitées, nous libère paradoxalement.
1.2. L'anxiété généralisée
Notre époque connaît une épidémie d'anxiété. Les statistiques sont éloquentes : selon l'Organisation mondiale de la santé, les troubles anxieux touchent des centaines de millions de personnes dans le monde. Les prescriptions d'anxiolytiques explosent. Le stress, le burn-out, les crises de panique sont devenus des réalités quotidiennes pour beaucoup.
Cette anxiété a des causes multiples et entremêlées :
L'incertitude économique
La précarité du travail, le chômage, l'endettement, les crises financières récurrentes génèrent une insécurité permanente. Contrairement aux générations précédentes qui pouvaient espérer une certaine stabilité professionnelle, beaucoup de nos contemporains vivent dans l'incertitude du lendemain.
L'angoisse sanitaire
La pandémie de Covid-19 a révélé notre vulnérabilité collective face à un virus microscopique. Mais au-delà de cet événement, nos sociétés développent une véritable obsession sanitaire : peur de la maladie, hygiénisme excessif, médicalisation de l'existence.
La crise écologique
Le dérèglement climatique, la perte de biodiversité, la pollution généralisée suscitent une angoisse existentielle, particulièrement chez les jeunes générations. Comment faire confiance quand l'avenir même de la planète semble compromis ?
L'accélération et la surcharge informationnelle
Le rythme de vie s'est accéléré vertigineusement. Les sollicitations sont incessantes (notifications, emails, réseaux sociaux). Cette saturation informationnelle empêche le recul, la contemplation, le silence intérieur — autant de conditions nécessaires pour que la confiance puisse germer.
L'isolement social
Paradoxalement, dans des sociétés hyperconnectées, la solitude et l'isolement progressent. Les liens communautaires traditionnels (famille élargie, voisinage, vie paroissiale) se sont affaiblis. Or, la confiance a besoin de relations vraies, durables, incarnées pour se développer.
1.3. Le sécularisme et la perte du sens de Dieu
Un obstacle majeur à la confiance chrétienne est le sécularisme ambiant, c'est-à-dire l'évacuation de Dieu et du religieux de l'horizon quotidien de beaucoup de nos contemporains.
Cette sécularisation n'est pas seulement un phénomène sociologique (baisse de la pratique religieuse, déchristianisation), mais une transformation profonde de la conscience. Pour beaucoup, Dieu n'est tout simplement plus une réalité vivante. Il est au mieux une abstraction lointaine, au pire une superstition dépassée.
Or, sans Dieu, la confiance chrétienne perd son fondement. À qui faire confiance si l'on ne croit pas en un Dieu personnel, provident, aimant ? Certes, il existe des formes de confiance naturelle, psychologique, philosophique. Mais la confiance chrétienne, telle que l'enseignent l'Écriture et la Tradition, est une vertu théologale : elle a Dieu pour objet et pour motif.
Le sécularisme génère aussi un sentiment d'absurdité existentielle. Si nous sommes le produit du hasard, si l'univers est indifférent, si la mort est l'anéantissement définitif, comment trouver un sens à la vie ? Et sans sens, comment faire confiance ?
1.4. Le scandale du mal et de la souffrance
Le problème du mal est sans doute l'obstacle le plus profond à la confiance en Dieu. Comment faire confiance à un Dieu bon quand le monde est rempli de souffrances injustes, de catastrophes naturelles, de maladies qui frappent les innocents, de crimes atroces ?
Notre époque, marquée par les horreurs du XXe siècle (guerres mondiales, génocides, totalitarismes), a vu ce problème prendre une acuité terrible. Après Auschwitz, écrivait le philosophe Theodor Adorno, la question n'est plus de savoir si l'on peut croire en Dieu, mais comment l'on peut encore vivre.
Les objections classiques reviennent sans cesse :
- « Si Dieu est tout-puissant et bon, pourquoi permet-il le mal ? »
- « Pourquoi les innocents souffrent-ils ? »
- « Où était Dieu pendant cette catastrophe ? »
La foi chrétienne ne prétend pas résoudre intellectuellement le mystère du mal. Elle propose une autre réponse : Dieu lui-même a assumé la souffrance humaine dans le Christ crucifié. Sur la croix, Dieu n'est pas un spectateur lointain de nos souffrances : il les prend sur lui, il les traverse, il les transfigure par la résurrection.
1.5. L'individualisme et la méfiance généralisée
Notre société contemporaine est marquée par un individualisme croissant. Chacun est renvoyé à lui-même, à ses choix personnels, à sa construction identitaire. Les appartenances traditionnelles (famille, village, religion, nation) se sont affaiblies. L'individu est devenu la valeur centrale.
Cet individualisme a des aspects positifs : reconnaissance de la singularité de chaque personne, liberté de conscience, droit à l'autodétermination. Mais il a aussi un revers : l'atomisation sociale et la méfiance généralisée.
Cette méfiance se manifeste de mille manières :
- Dans la vie sociale : multiplication des contrats, des assurances, des protections juridiques
- Dans les relations : difficulté à s'engager durablement, tentation de garder toujours une porte de sortie
- Face aux institutions : défiance envers les autorités politiques, religieuses, médiatiques, scientifiques
- Dans l'Église elle-même : les scandales récents ont profondément ébranlé la confiance
Cette méfiance généralisée rend la confiance en Dieu elle-même plus difficile. Si l'on ne peut faire confiance à personne, pourquoi ferait-on confiance à Dieu ?
Parfait ! Voici la suite - **Document 3 (Les chemins de la confiance - partie 1)** :
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II. Les chemins de la confiance aujourd'hui
Face à ces obstacles redoutables, comment cultiver concrètement la confiance chrétienne ? L'Église, à travers sa tradition spirituelle et sacramentelle, propose plusieurs chemins éprouvés.
2.1. L'oraison et la prière du cœur
La confiance ne peut grandir sans une vie de prière régulière. Dans le silence de l'oraison, nous apprenons à nous tenir en présence de Dieu, à écouter sa voix, à recevoir son amour. C'est dans ce face-à-face que naît la confiance véritable.
Qu'est-ce que l'oraison ?
L'oraison (ou oraison mentale) se distingue de la prière vocale. Elle n'est pas d'abord une récitation de formules, mais un cœur à cœur avec Dieu. Sainte Thérèse d'Avila la définit ainsi : « L'oraison mentale n'est, à mon avis, qu'un commerce intime d'amitié où l'on s'entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé. »
L'oraison suppose plusieurs attitudes :
Le silence : éteindre les sollicitations extérieures (téléphone, ordinateur, distractions) pour se rendre disponible intérieurement. Notre époque bruyante et suractivée rend ce silence difficile mais d'autant plus nécessaire.
La présence : se tenir devant Dieu, dans une attitude d'attention aimante. Non pas faire quelque chose, mais être là, simplement, comme un enfant près de son père.
L'écoute : accueillir ce que Dieu veut dire ou donner. L'oraison n'est pas un monologue où je parlerais seul, mais un dialogue où j'apprends à entendre la voix discrète de l'Esprit.
La régularité : la confiance ne se construit pas en un jour. Elle demande la persévérance d'une pratique quotidienne, même brève (10-15 minutes suffisent pour commencer), même dans la sécheresse ou la distraction.
Les Psaumes, école de la confiance
Les Psaumes sont la prière de l'Église depuis des millénaires. Ils expriment toutes les situations humaines — joie et détresse, louange et plainte, action de grâce et supplication — mais toujours dans une attitude fondamentale de confiance en Dieu.
Quelques Psaumes particulièrement propices à nourrir la confiance :
- Psaume 23 : « Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien »
- Psaume 62 : « En Dieu seul mon âme trouve le repos »
- Psaume 91 : « Celui qui habite à l'abri du Très-Haut »
- Psaume 121 : « Je lève les yeux vers les montagnes »
- Psaume 131 : « Je tiens mon âme en paix et silence »
La prière de Jésus (ou prière du publicain)
Héritée de la tradition orientale, cette prière très simple peut accompagner toute la journée : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur. »
Répétée inlassablement, cette invocation devient comme un battement du cœur spirituel. Elle nous maintient dans deux vérités essentielles : nous sommes pécheurs (humilité) et Dieu est miséricordieux (confiance). Elle nous apprend à faire confiance sans cesse, à chaque instant, dans chaque situation.
2.2. La méditation de la Parole de Dieu
L'Écriture Sainte est parsemée d'appels à la confiance et de témoignages de la fidélité divine. En méditant régulièrement ces passages, nous ancrons notre confiance non dans nos sentiments fluctuants, mais dans la Parole même de Dieu qui ne passe pas.
La lectio divina
Cette méthode ancienne de méditation biblique comporte quatre étapes :
- Lectio (lecture) : lire lentement un passage de l'Écriture, en s'arrêtant sur les mots, les images, les versets qui résonnent particulièrement.
- Meditatio (méditation) : ruminer le texte, le tourner dans son cœur, chercher ce que Dieu veut me dire à travers ces mots.
- Oratio (prière) : répondre à Dieu, lui parler de ce qui monte du cœur après la méditation.
- Contemplatio (contemplation) : se reposer en Dieu, goûter sa présence, demeurer dans l'attention aimante sans beaucoup de mots.
Quelques passages bibliques à méditer sur la confiance
- Matthieu 6, 25-34 : « Ne vous faites pas de souci pour demain »
- Philippiens 4, 4-7 : « Ne vous inquiétez de rien »
- Romains 8, 28-39 : « Rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu »
- Psaume 23 : « Le Seigneur est mon berger »
- Isaïe 26, 3-4 : « À celui qui est ferme dans ses sentiments, tu assures la paix »
- Jérémie 17, 7-8 : « Béni soit l'homme qui se confie en l'Éternel »
2.3. L'Eucharistie, source et sommet de la confiance
Dans l'Eucharistie, nous recevons le Christ lui-même, pain de vie et gage de la vie éternelle. Ce sacrement nourrit notre confiance en nous donnant non pas des promesses abstraites, mais une présence réelle.
Le Christ qui s'est livré pour nous jusqu'à la mort sur la croix continue de se donner dans chaque communion. Comment ne pas lui faire confiance ? Comment douter de son amour quand il se donne ainsi totalement, jour après jour, dans chaque eucharistie célébrée dans le monde ?
L'Eucharistie, mémorial de la Pâque
Chaque messe actualise le mystère pascal : la mort et la résurrection du Christ. En y participant, nous sommes plongés dans ce mystère. Nous faisons mémoire que le Christ a vaincu la mort, que la vie est plus forte que la mort, que l'amour a triomphé de la haine.
Cette mémoire nourrit notre confiance. Nous ne croyons pas en un Dieu lointain et abstrait, mais en Celui qui est descendu jusqu'au fond de notre condition humaine, qui a connu l'angoisse et la souffrance, qui est mort et ressuscité. Notre confiance repose sur cet événement historique qui fonde toute notre foi.
L'adoration eucharistique
En dehors de la messe, l'adoration du Saint-Sacrement est un temps privilégié pour cultiver la confiance. Dans le silence, devant le tabernacle ou le Saint-Sacrement exposé, nous pouvons simplement nous tenir en présence du Christ.
Cette présence silencieuse est déjà une école de confiance. Nous apprenons à être là, sans rien faire, sans rien produire, simplement disponibles. Nous faisons l'expérience que Dieu ne nous demande pas d'abord des performances, mais notre présence aimante. Et cette expérience pacifie, apaise l'anxiété, ouvre le cœur à la confiance.
2.4. Le sacrement de réconciliation
Paradoxalement, la reconnaissance humble de nos péchés et de nos faiblesses affermit la confiance. En confessant nos fautes, nous expérimentons concrètement la miséricorde de Dieu, son pardon toujours offert, sa patience inlassable.
La confession, rencontre avec la miséricorde
Le sacrement de réconciliation n'est pas d'abord un tribunal où l'on serait jugé, mais un lieu de miséricorde où l'on expérimente la bonté de Dieu. Le pape François le répète inlassablement : le confessionnal doit être un lieu où l'on rencontre le Père qui accueille le fils prodigue, non un juge qui condamne.
Saint Jean-Marie Vianney, le curé d'Ars, pleurait souvent en confessant tant il était bouleversé par la miséricorde de Dieu pour les pécheurs. Il disait à ses pénitents : « Après une bonne confession, tu n'es pas celui qui était entré, mais tu es neuf, lavé, purifié. »
Trois attitudes pour bien vivre la confession
- La sincérité : reconnaître humblement ses péchés sans les minimiser ni les dramatiser. Ne pas céder à la tentation de se justifier ou de noyer le poisson.
- La contrition : non pas une émotion superficielle, mais un regret profond d'avoir offensé Dieu qui nous aime. C'est moins le remords de nos fautes que l'amour de Dieu qui doit nous pousser au repentir.
- La confiance : croire fermement que Dieu pardonne vraiment, totalement, définitivement. Ne pas retenir ses péchés par scrupule ou incrédulité, mais les laisser engloutir dans l'océan de la miséricorde divine.
La confession, école de la confiance
Comme le disait sainte Thérèse de Lisieux, même nos péchés peuvent devenir des occasions de croître dans la confiance. Non qu'il faille pécher pour être pardonné (saint Paul rejette vigoureusement cette logique : Rm 6, 1-2), mais parce que la conscience de notre faiblesse nous garde dans l'humilité et nous empêche de mettre notre confiance en nous-mêmes.
Chaque confession nous rappelle que nous n'avons rien par nous-mêmes et que tout vient de la grâce. Cette vérité, loin de décourager, fonde une confiance inébranlable : puisque tout vient de Dieu, puisque c'est lui qui me sauve et non mes mérites, je peux avoir confiance même dans mes faiblesses.
2.5. L'examen de conscience quotidien
Saint Ignace de Loyola recommandait de pratiquer deux fois par jour un examen particulier de conscience. Cet exercice spirituel, loin d'être une introspection morbide, est une école de lucidité et de miséricorde.
L'examen ignatien en cinq étapes
- Rendre grâce : commencer par remercier Dieu pour les bienfaits de la journée. C'est capital : on commence par la gratitude, pas par la culpabilité.
- Demander la lumière : prier l'Esprit Saint d'éclairer notre cœur pour voir la vérité sur nous-mêmes.
- Passer en revue : relire la journée heure par heure, non pour tout analyser, mais pour repérer les moments où nous avons accueilli ou refusé l'amour de Dieu.
- Demander pardon : reconnaître avec simplicité nos fautes et accueillir le pardon divin.
- Proposer un amendement : avec l'aide de Dieu, décider d'un point concret d'amélioration pour le lendemain.
L'examen, école de confiance
Cet exercice quotidien nous maintient dans une attitude de vérité et de confiance. Nous apprenons à nommer nos péchés sans nous y identifier, à les regarder en face sans désespérer, parce que nous les regardons à la lumière de la miséricorde divine.
L'examen nous apprend aussi la gratitude, première attitude de confiance. En commençant par l'action de grâce, nous reconnaissons que notre vie est un don, que chaque instant contient des grâces cachées, que Dieu nous accompagne même quand nous ne le voyons pas.
2.6. La remise quotidienne de notre vie à Dieu
Chaque matin, nous pouvons offrir notre journée au Seigneur, lui confier nos projets, nos inquiétudes, nos relations. Chaque soir, nous pouvons remettre entre ses mains ce qui s'est passé, les réussites comme les échecs, en lui faisant confiance pour tirer un bien de toute chose.
L'offrande du matin
Une prière simple, le matin au réveil, peut structurer toute la journée dans la confiance :
« Seigneur, je t'offre cette journée. Que tout ce que je vivrai aujourd'hui — joies et peines, travail et repos, rencontres et solitude — soit pour ta gloire et le bien de mes frères. Je te confie mes projets, mes inquiétudes, mes relations. Que ta volonté se fasse en moi. Viens régner dans mon cœur, donne-moi ton sourire, rien que pour aujourd'hui ! »
La remise du soir
Le soir, avant de dormir, une prière de remise entre les mains de Dieu pacifie et prépare au sommeil :
« Seigneur, je remets entre tes mains cette journée qui s'achève. Merci pour les grâces reçues. Pardon pour mes manquements. Je te confie ceux que j'ai rencontrés, ceux que j'aime, ceux qui souffrent. Pendant mon sommeil, veille sur moi et sur les miens. Que ton amour me garde en paix. »
Cette pratique simple mais régulière éduque progressivement notre cœur à la confiance. Nous apprenons à tout remettre à Dieu, à ne rien garder pour nous dans l'anxiété, à dormir en paix comme l'enfant dans les bras de son père.
2.7. L'apprentissage du lâcher-prise
La vie moderne nous pousse à tout vouloir contrôler, planifier, maîtriser. Apprendre à lâcher prise — sur certains résultats, sur l'opinion des autres, sur nos projets quand Dieu en dispose autrement — est un exercice quotidien de confiance.
Distinguer ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas
Les stoïciens avaient déjà formulé ce principe de sagesse : il faut distinguer soigneusement ce qui dépend de nous (nos pensées, nos choix, nos efforts) et ce qui ne dépend pas de nous (les événements extérieurs, les décisions d'autrui, le passé, la mort).
Cette distinction est capitale pour le lâcher-prise chrétien. Nous devons assumer pleinement ce qui dépend de nous : travailler avec compétence, aimer avec générosité, agir avec justice. Mais nous devons confier à Dieu ce qui ne dépend pas de nous : les résultats, l'avenir, les circonstances.
Lâcher prise sur les résultats
Nous voulons non seulement agir, mais aussi voir les fruits de notre action, contrôler les résultats. Or, le lâcher-prise implique de poser nos actes avec droiture et compétence, puis de confier les résultats à Dieu.
C'est particulièrement difficile dans nos vies professionnelles, éducatives, apostoliques : nous voudrions mesurer, quantifier, vérifier l'efficacité. Le lâcher-prise chrétien nous rappelle que l'essentiel échappe à nos mesures et que Dieu fait fructifier nos actions de manières que nous ne voyons pas toujours.
Saint Ignace de Loyola formulait ainsi cette attitude : « Agis comme si tout dépendait de toi, en sachant qu'en réalité tout dépend de Dieu. »
Lâcher prise sur l'opinion des autres
Beaucoup de notre anxiété vient de la peur du jugement d'autrui. Que va-t-on penser de moi ? Que va-t-on dire ? Cette préoccupation excessive pour l'opinion des autres nous emprisonne et nous empêche d'être nous-mêmes.
Le lâcher-prise chrétien nous libère de cette servitude. Non que l'opinion des autres soit sans importance : nous devons tenir compte des conseils sages, de la correction fraternelle, du discernement communautaire. Mais nous ne devons pas faire de l'opinion d'autrui notre idole.
Saint Paul l'exprime fortement : « Si je cherchais encore à plaire aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ » (Ga 1, 10). Notre référence ultime n'est pas le jugement des hommes, mais celui de Dieu qui « sonde les reins et les cœurs » et qui nous connaît mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes.
Lâcher prise sur nos projets
Nous faisons des projets, nous échafaudons des plans, nous imaginons l'avenir. Tout cela est légitime et nécessaire. Mais nous devons tenir ces projets d'une main légère, prêts à les modifier ou à les abandonner si Dieu nous montre un autre chemin.
Le livre des Proverbes le dit avec humour : « Le cœur de l'homme médite sa voie, mais c'est l'Éternel qui dirige ses pas » (Pr 16, 9). Nous pouvons planifier, mais c'est finalement Dieu qui conduit notre histoire, souvent de manière imprévisible.
Cette disponibilité aux imprévus de Dieu est au cœur de la confiance. Nous ne nous accrochons pas à nos plans comme à des absolus, mais nous restons souples, attentifs aux signes de la Providence, prêts à dire avec Marie : « Qu'il me soit fait selon ta parole. »
2.8. La communauté ecclésiale
La confiance ne se vit pas en solitaire. L'Église, corps du Christ, est le lieu où nous soutenons mutuellement notre foi et notre confiance. Le témoignage des frères et sœurs qui traversent l'épreuve dans la foi, le partage de nos expériences spirituelles, la célébration commune des sacrements : tout cela nourrit et fortifie notre confiance personnelle.
La communion des saints
La foi chrétienne affirme la « communion des saints » : nous formons un seul corps avec tous les croyants, vivants et défunts, sur terre, au purgatoire et au ciel. Cette communion n'est pas une métaphore, mais une réalité spirituelle profonde.
Quand notre confiance vacille, nous pouvons nous appuyer sur celle des autres. Quand nous traversons la nuit obscure, nous pouvons nous fier à ceux qui ont traversé avant nous et témoignent que Dieu est fidèle. Les saints ne sont pas des super-héros inaccessibles, mais des frères et sœurs qui ont fait confiance avant nous et qui intercèdent pour nous.
Le témoignage mutuel
Dans les communautés chrétiennes vivantes (paroisses, groupes de prière, mouvements), les croyants partagent leurs expériences de foi. Entendre un frère raconter comment Dieu l'a porté dans l'épreuve, écouter une sœur témoigner de la fidélité divine, cela nourrit puissamment notre propre confiance.
Ces témoignages nous rappellent que nous ne sommes pas seuls, que d'autres ont vécu ce que nous vivons, que Dieu ne change pas : celui qui a été fidèle hier le sera encore aujourd'hui et demain.
L'accompagnement spirituel
Un accompagnement spirituel régulier (avec un prêtre, un diacre, un laïc formé) peut être d'une grande aide pour cultiver la confiance. Un accompagnateur expérimenté aide à discerner les motions de l'Esprit, à identifier les obstacles intérieurs, à grandir progressivement dans l'abandon à Dieu.
Cet accompagnement n'est pas une béquille dont on dépendrait indéfiniment, mais un soutien temporaire qui aide à marcher de ses propres pieds dans la confiance. Comme le dit l'adage spirituel : « Un bon accompagnateur rend libre. »
III. La confiance face aux crises contemporaines
Dans un monde marqué par l'incertitude et la peur, la confiance chrétienne n'est pas une fuite de la réalité mais, au contraire, une manière profondément réaliste d'habiter le monde. Elle ne nie pas les difficultés, mais les affronte avec l'assurance que Dieu est présent et agissant, même quand nous ne le voyons pas.
3.1. Face à la crise écologique
La crise environnementale que nous traversons est sans précédent : dérèglement climatique, perte de biodiversité, pollution des océans, déforestation massive. Les rapports scientifiques se succèdent, chacun plus alarmant que le précédent. Comment garder confiance face à cette menace existentielle ?
La confiance n'est pas l'insouciance
Faire confiance en Dieu ne signifie pas fermer les yeux sur la gravité de la situation. Au contraire, la confiance chrétienne nous libère pour regarder lucidement la réalité sans tomber dans le déni ou le désespoir paralysant.
La création appartient à Dieu. Il l'a confiée à l'homme pour qu'il en soit le gardien responsable, non le prédateur. Reconnaître que la terre est à Dieu ne nous dispense pas de nos responsabilités écologiques, mais nous y engage d'autant plus : nous devons rendre compte à Dieu de ce qu'il nous a confié.
La confiance libère pour l'action
Paradoxalement, c'est la confiance qui permet l'engagement écologique le plus authentique. Pourquoi ? Parce qu'elle nous délivre de deux tentations opposées :
- Le déni : « Ce n'est pas si grave, la technologie trouvera des solutions, on s'en est toujours sortis. » Ce déni est une fausse confiance qui refuse de voir la réalité.
- Le désespoir : « C'est trop tard, tout est foutu, on va à la catastrophe. » Ce désespoir paralyse et empêche l'action.
La vraie confiance chrétienne tient un autre langage : « La situation est grave, le défi est immense, mais Dieu n'abandonne pas sa création. Il nous appelle à agir avec lui pour guérir la terre. Nos efforts ne seront pas vains, même s'ils semblent dérisoires, car Dieu fait fructifier le peu que nous offrons. »
L'encyclique Laudato Si'
Le pape François, dans son encyclique Laudato Si' (2015), appelle à une « écologie intégrale » qui prend en compte à la fois l'environnement naturel et la dignité humaine. Il dénonce la « culture du déchet » et invite à une conversion écologique profonde.
Cette écologie intégrale repose sur la confiance : confiance que la création est fondamentalement bonne (« Dieu vit que cela était bon »), confiance que l'homme peut changer, confiance que des gestes simples (sobriété, partage, respect de la nature) ont un sens et une portée.
François écrit : « L'espérance nous invite à reconnaître qu'il y a toujours une voie de sortie, que nous pouvons toujours reprendre le cap, que nous pouvons toujours faire quelque chose pour résoudre les problèmes » (Laudato Si', 61). Cette espérance n'est pas optimisme naïf, mais confiance théologale.
3.2. Face aux crises sociales et politiques
Notre époque connaît des tensions sociales et politiques aiguës : montée des extrémismes, fractures identitaires, guerres, migrations forcées, inégalités croissantes. Ces crises peuvent engendrer colère, haine, peur de l'autre, tentation du repli.
La confiance garde de la haine
Face à l'injustice, à la violence, à l'oppression, la tentation est grande de répondre par la haine, la vengeance, la violence. Or, comme le disait Martin Luther King, « les ténèbres ne peuvent pas chasser les ténèbres, seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine, seul l'amour le peut. »
La confiance en Dieu nous garde de cette spirale de la haine. Elle nous rappelle que Dieu est le maître de l'histoire, que le dernier mot n'appartient jamais au mal, que la justice divine finira par triompher. Cette certitude libère notre action : nous pouvons lutter pour la justice et la paix sans être rongés par la haine ou écrasés par le désespoir.
La confiance libère l'engagement politique
Certains pensent que la confiance en Dieu conduit à la passivité politique : « À quoi bon s'engager puisque Dieu s'occupe de tout ? » C'est un grave contresens. La confiance ne dispense pas de l'engagement, elle le libère et le purifie.
Le chrétien qui fait confiance en Dieu peut s'engager totalement pour la justice sociale, pour les droits des pauvres, pour la paix, sans que cet engagement devienne une idole. Il sait que le Royaume de Dieu ne se construit pas seulement par l'action politique, mais il sait aussi que l'action politique est nécessaire pour transformer les structures de péché.
La confiance permet un engagement tenace sans amertume ni désespoir. Même quand les résultats tardent, même quand les régressions sont nombreuses, le chrétien persévère parce qu'il sait que Dieu travaille avec lui et que rien n'est jamais perdu de ce qui est fait par amour.
L'exemple de figures prophétiques
Le XXe siècle a vu surgir de grandes figures qui ont uni confiance en Dieu et engagement politique : Martin Luther King luttant pour les droits civiques, Dorothy Day fondant le Catholic Worker Movement, Oscar Romero défendant les pauvres au Salvador, Nelson Mandela œuvrant pour la réconciliation en Afrique du Sud.
Tous ces témoins ont puisé dans leur foi la force de lutter contre l'injustice sans se laisser gagner par la haine. Leur confiance en Dieu leur a permis de tenir bon dans les pires épreuves, de pardonner à leurs persécuteurs, de croire qu'un monde plus juste était possible.
3.3. Face aux épreuves personnelles
Au-delà des grandes crises collectives, chacun traverse des épreuves personnelles : maladie, deuil, échec, chômage, rupture, solitude, souffrance morale. Comment vivre la confiance dans ces moments où tout semble s'effondrer ?
La confiance ne supprime pas la souffrance
Il faut être clair : la confiance en Dieu ne nous épargne pas les épreuves. Jésus lui-même, le Fils bien-aimé, a connu l'angoisse à Gethsémani, l'abandon sur la croix. Saint Paul, malgré sa foi immense, a vécu la « nuit obscure », l'épreuve de l'« écharde dans la chair » que Dieu refusait d'enlever.
La confiance ne nous met pas à l'abri de la souffrance, mais elle change notre manière de la vivre. Elle lui donne un sens, elle nous unit au Christ crucifié, elle nous ouvre à l'espérance de la résurrection.
Romains 8, 28 : « Tout concourt au bien »
Saint Paul écrit : « Nous savons qu'avec ceux qui l'aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien » (Rm 8, 28). Ce verset est souvent mal compris. Paul ne dit pas que tout ce qui arrive est bon en soi (le mal reste le mal), mais que Dieu peut tirer un bien même du pire mal.
Cette conviction fonde la confiance dans l'épreuve. Nous ne comprenons pas pourquoi nous souffrons, nous ne voyons pas de sens immédiat à cette épreuve. Mais nous faisons confiance que Dieu, d'une manière qui nous dépasse, peut transformer même cette souffrance en chemin de croissance, de purification, de sainteté.
Le témoignage de Job
Le livre de Job explore en profondeur la question de la souffrance de l'innocent. Job perd tout : ses biens, ses enfants, sa santé. Ses amis l'accusent d'avoir péché. Sa femme lui conseille de « maudire Dieu et mourir ». Job lui-même se plaint, proteste, interroge Dieu avec véhémence.
Mais au bout du chemin, Job fait cet acte de confiance : « Même s'il me tuait, je mettrais encore en lui mon espérance » (Jb 13, 15, selon certaines traductions). Et à la fin, après que Dieu lui ait parlé depuis le tourbillon, Job s'exclame : « Je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mon œil t'a vu » (Jb 42, 5).
L'épreuve, mystérieusement, peut devenir le lieu d'une connaissance plus profonde de Dieu. Non une connaissance théorique, mais une connaissance expérientielle, viscérale. Dans l'épreuve, si nous gardons la confiance, nous découvrons que Dieu est présent même dans la nuit la plus obscure.
La patience dans l'épreuve
La confiance dans l'épreuve implique souvent une longue patience. Nous voudrions que la souffrance cesse immédiatement, que Dieu intervienne maintenant. Mais parfois, Dieu semble silencieux, absent, sourd à nos prières.
La patience chrétienne n'est pas résignation passive, mais persévérance confiante. C'est continuer à prier même quand le ciel semble fermé, continuer à espérer même quand tout semble perdu, continuer à aimer même quand on ne sent plus rien.
Cette patience s'apprend lentement, au fil des épreuves traversées. Chaque fois que nous tenons bon dans la confiance et que nous voyons, rétrospectivement, que Dieu était présent même quand nous ne le sentions pas, notre confiance s'affermit pour les épreuves suivantes.
3.4. Face à la mort
La mort est l'épreuve ultime, l'horizon incontournable de toute existence humaine. Comment la confiance chrétienne affronte-t-elle cette réalité ?
La mort, lieu de la confiance suprême
Jésus sur la croix a prononcé cette prière de confiance totale : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Lc 23, 46). Ces paroles citent le Psaume 31, prière de confiance dans l'épreuve. Le Christ mourant fait confiance au Père, même au moment où il semble abandonné (« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? »).
La mort chrétienne est un acte de confiance. Nous remettons notre vie, notre esprit, tout ce que nous sommes entre les mains du Père. Nous nous abandonnons à lui comme l'enfant s'endort dans les bras de son père.
Cette confiance ne nie pas l'angoisse naturelle devant la mort. Jésus lui-même a connu cette angoisse à Gethsémani : « Mon âme est triste à en mourir » (Mt 26, 38). Mais la confiance traverse cette angoisse sans être anéantie par elle.
La résurrection, fondement de notre confiance
La confiance chrétienne face à la mort repose sur la résurrection du Christ. Parce que le Christ est ressuscité, nous croyons que la mort n'est pas la fin, mais un passage. Parce qu'il est vivant, nous croyons que nous vivrons avec lui.
Saint Paul le proclame avec force : « Si le Christ n'est pas ressuscité, notre foi est vaine » (1 Co 15, 14). Mais précisément, le Christ est ressuscité. Cette certitude fonde notre confiance : « Rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 8, 39). Ni la vie, ni la mort, ni aucune créature.
Accompagner les mourants dans la confiance
L'Église a développé une sagesse particulière pour accompagner les mourants : les sacrements des malades (onction, communion, confession), les prières de commendatio animae (recommandation de l'âme), la présence aimante.
Tout cet accompagnement vise à aider le mourant à partir dans la confiance. On lui rappelle les promesses de Dieu, on prie avec lui, on l'aide à confier sa vie à Dieu. Cette présence fraternelle est essentielle : elle signifie au mourant qu'il n'est pas seul, que la communauté l'entoure de sa prière, que Dieu l'attend.
IV. Pratiques spirituelles pour cultiver la confiance
Au-delà des chemins déjà évoqués (oraison, sacrements, Parole de Dieu), l'Église propose des pratiques spirituelles spécifiques qui nourrissent la confiance.
4.1. Le Chapelet de la Miséricorde Divine
Révélé à sainte Faustine Kowalska dans les années 1930, ce chapelet se récite sur un chapelet ordinaire. Il est particulièrement recommandé de le dire à 15h, heure de la mort du Christ.
Structure du Chapelet de la Miséricorde
Sur les gros grains :
« Père éternel, je t'offre le Corps et le Sang, l'Âme et la Divinité de ton Fils bien-aimé, Notre Seigneur Jésus-Christ, en réparation de nos péchés et de ceux du monde entier. »
Sur les petits grains :
« Par sa douloureuse Passion, sois miséricordieux pour nous et pour le monde entier. »
Conclusion (trois fois) :
« Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Éternel, prends pitié de nous et du monde entier. »
Cette prière, très simple, nous plonge dans le mystère de la Croix comme source de la miséricorde divine. Elle nous apprend aussi l'intercession : prier non seulement pour nous-mêmes mais pour le monde entier. Elle cultive la confiance en nous rappelant sans cesse que Dieu est miséricordieux.
4.2. L'acte d'abandon à l'amour miséricordieux
Sainte Thérèse de Lisieux a composé, quelques mois avant sa mort, un « Acte d'offrande à l'Amour Miséricordieux ». Cette prière magnifique est un sommet de la spiritualité de la confiance.
En voici quelques extraits :
« Afin de vivre dans un acte de parfait Amour, je m'offre comme victime d'holocauste à votre Amour miséricordieux, vous suppliant de me consumer sans cesse, laissant déborder en mon âme les flots de tendresse infinie qui sont renfermés en Vous...
Ô mon Dieu ! la Trinité Bienheureuse, je désire vous Aimer et vous faire Aimer, travailler à la glorification de la Sainte Église en sauvant les âmes qui sont sur la terre et délivrant celles qui souffrent dans le purgatoire. Je désire accomplir parfaitement votre volonté et arriver au degré de gloire que vous m'avez préparé dans votre Royaume, en un mot, je désire être Sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu ! d'être vous-même ma Sainteté...
Que votre Amour Miséricordieux me couvre entièrement... Je veux être sanctifiée par vous. Je compte sur vous seul et nullement sur mes mérites, puisque je n'en ai aucun. »
Cet acte d'offrande peut être récité personnellement, en se l'appropriant dans son cœur. Il exprime parfaitement la confiance thérésienne : tout attendre de Dieu, compter uniquement sur son amour miséricordieux, s'offrir totalement à lui.
4.3. Le chapelet marial
Le chapelet traditionnel, en nous faisant méditer les mystères de la vie du Christ avec Marie, nourrit puissamment la confiance. Marie est le modèle parfait de la confiance : à l'Annonciation, elle dit « oui » à Dieu sans comprendre pleinement ; au Calvaire, elle reste debout au pied de la croix quand tous s'enfuient.
En priant le chapelet, nous contemplons la confiance de Marie et nous lui demandons de nous apprendre à faire confiance comme elle. Le Je vous salue Marie lui-même est une prière de confiance : « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. » Nous confions à Marie notre vie présente et notre mort future.
4.4. La neuvaine à la Divine Miséricorde
Cette neuvaine se fait pendant les neuf jours qui précèdent le Dimanche de la Miséricorde (dimanche après Pâques). Chaque jour, on prie pour une intention différente, en s'appuyant sur la miséricorde de Dieu.
La pratique de la neuvaine cultive la patience confiante. Nous ne demandons pas un exaucement immédiat, mais nous persévérons jour après jour dans la prière, confiants que Dieu écoute et répond à sa manière et en son temps.
4.5. Le jeûne et les œuvres de miséricorde
La confiance s'exprime aussi dans les actes concrets. Le jeûne (de nourriture, de distractions, de paroles inutiles) est un exercice de confiance : nous nous privons volontairement pour signifier que Dieu seul suffit, que notre vie ne dépend pas seulement du pain.
De même, les œuvres de miséricorde (corporelles et spirituelles) manifestent notre confiance. En donnant aux pauvres, en visitant les malades, en consolant les affligés, nous croyons que Dieu pourvoira à nos propres besoins. Nous appliquons la parole de Jésus : « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir » (Ac 20, 35).
V. Les fruits de la confiance
Quand la confiance chrétienne est vraiment vécue, elle produit des fruits reconnaissables qui transforment l'existence et le témoignage du croyant.
5.1. La paix intérieure
Le fruit premier et le plus précieux de la confiance est la paix. Non pas l'absence de problèmes ou d'épreuves, mais une paix profonde qui demeure même au cœur de la tempête.
Cette paix, Jésus l'a promise : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble pas et ne s'alarme pas » (Jn 14, 27). La paix du Christ est différente de celle du monde. Le monde promet la paix par l'absence de conflits, le confort matériel, la sécurité assurée. Le Christ donne une paix qui transcende les circonstances extérieures.
Le prophète Isaïe l'avait annoncé : « À celui qui est ferme dans ses sentiments, tu assures la paix, la paix, parce qu'il se confie en toi » (Is 26, 3). Cette paix « parfaite » (shalom shalom) est le fruit de la confiance inébranlable.
5.2. La joie véritable
La confiance engendre aussi la joie. Non pas l'euphorie superficielle, mais la joie profonde qui vient de la certitude d'être aimé de Dieu.
Saint Paul, écrivant de sa prison, peut dire aux Philippiens : « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous » (Ph 4, 4). Comment peut-il parler de joie alors qu'il est enchaîné, qu'il souffre, qu'il ne sait pas s'il va être exécuté ? Parce que sa joie ne dépend pas des circonstances extérieures, mais de sa relation confiante avec le Christ.
Cette joie est communicative. Les saints, même dans les pires épreuves, rayonnent une joie qui attire et interroge. Sainte Thérèse de Lisieux, rongée par la tuberculose, gardait un sourire qui édifiait ses sœurs. Cette joie dans la souffrance est un mystère, mais c'est le fruit authentique de la confiance.
5.3. La liberté intérieure
La confiance libère. Elle nous délivre de mille servitudes : l'anxiété du lendemain, la peur du jugement d'autrui, l'attachement désordonné aux biens matériels, la crainte de l'échec.
Cette liberté n'est pas l'indépendance orgueilleuse (« je n'ai besoin de personne »), mais la liberté des enfants de Dieu : « Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3, 17). Nous sommes libres parce que nous savons que nous appartenons à Dieu, que rien ne peut nous séparer de son amour, que nous n'avons rien à prouver puisque nous sommes déjà aimés infiniment.
Cette liberté se manifeste concrètement : capacité de prendre des décisions sans être paralysé par la peur, audace missionnaire, détachement par rapport aux honneurs et aux richesses, force pour aller à contre-courant quand la conscience l'exige.
5.4. L'amour des autres
Paradoxalement, la confiance en Dieu nous rend plus disponibles pour aimer les autres. Pourquoi ? Parce qu'elle nous délivre du besoin de recevoir constamment des autres la confirmation de notre valeur.
Celui qui cherche désespérément l'amour et la reconnaissance dans les relations humaines finit par instrumentaliser les autres : il ne les aime pas vraiment pour eux-mêmes, mais pour ce qu'ils peuvent lui apporter. La confiance en Dieu nous libère de cette dépendance affective malsaine.
Nous pouvons alors aimer gratuitement, sans attente de retour, sans calcul. Nous pouvons donner sans nous épuiser, parce que nous puisons à la source intarissable de l'amour de Dieu. Nous pouvons pardonner, même quand c'est difficile, parce que nous savons que nous sommes nous-mêmes pécheurs graciés.
5.5. La persévérance dans les épreuves
La confiance donne la force de tenir bon dans la durée, de persévérer malgré les difficultés, les échecs, les découragements.
Saint Paul peut dire : « Nous nous glorifions même dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la patience, la patience l'épreuve, et l'épreuve l'espérance » (Rm 5, 3-4). L'épreuve, loin de détruire l'espérance et la confiance, les affermit paradoxalement.
Cette persévérance n'est pas entêtement ou volontarisme. C'est une endurance confiante qui s'appuie sur Dieu : « Je peux tout en celui qui me fortifie » (Ph 4, 13). Nous tenons bon non par nos propres forces (qui s'épuiseraient vite), mais par la force que Dieu donne jour après jour.
5.6. Le témoignage lumineux
Enfin, la confiance vécue devient un témoignage puissant pour ceux qui nous entourent. Dans un monde anxieux, désespéré, cynique, voir quelqu'un qui traverse les épreuves dans la paix et la confiance pose question.
Ce témoignage silencieux est souvent plus éloquent que tous les discours. Comme le disait saint François d'Assise : « Prêchez l'Évangile en tout temps ; si nécessaire, utilisez des mots. » Notre manière de vivre, notre paix intérieure, notre joie même dans l'épreuve, sont autant de signes qui pointent vers Celui en qui nous mettons notre confiance.
Conclusion : « C'est la confiance »
Au terme de ce parcours à travers les fondements bibliques, les témoignages des saints et les défis contemporains, une vérité se dégage avec force : la confiance est le cœur même de la vie chrétienne.
Ce n'est pas une vertu parmi d'autres, qu'on pourrait cultiver ou négliger à volonté. C'est l'attitude fondamentale du croyant face à Dieu, celle qui conditionne toute la vie spirituelle. Sans la confiance, la foi devient crispation anxieuse, l'espérance se dessèche en désespoir, la charité s'épuise dans l'activisme.
Dans notre monde contemporain, marqué par l'anxiété, la perte de sens, la précarité généralisée, la confiance chrétienne n'est pas un vestige du passé mais une réponse actuelle et pertinente. Elle ne nous fait pas fuir les défis de notre temps, mais nous donne la force de les affronter avec réalisme et espérance.
Face aux crises — écologique, sociale, personnelle — la confiance ne nous dispense pas d'agir, mais libère notre action. Nous pouvons nous engager totalement sans être écrasés par l'angoisse de l'échec, car nous savons que le dernier mot appartient à Dieu, et que rien n'est jamais perdu de ce qui est fait par amour.
Dans les épreuves, la confiance ne supprime pas la souffrance mais la transforme. Elle nous unit au Christ crucifié et nous ouvre à l'espérance de la résurrection. Elle nous donne la force de tenir bon, jour après jour, en croyant que Dieu peut tirer un bien même du pire mal.
Au quotidien, la confiance se cultive par des pratiques spirituelles simples mais régulières : oraison, sacrements, méditation de la Parole, examen de conscience, remise de sa journée à Dieu. Ces exercices, loin d'être des contraintes, sont des chemins de liberté et de paix.
Le message central que nous avons découvert tout au long de ce parcours peut se résumer dans la parole de sainte Thérèse de Lisieux : « C'est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l'Amour. » Cette parole radicale fait de la confiance non pas un moyen parmi d'autres, mais l'unique chemin vers la plénitude de l'amour divin.
Notre époque a besoin de témoins de la confiance. Dans un monde où l'anxiété paralyse, où le cynisme stérilise, où le désespoir étouffe, les chrétiens sont appelés à être des signes vivants que faire confiance est possible, que cette confiance libère, qu'elle rend heureux.
Cette confiance ne repose pas sur nos mérites, nos forces, nos vertus. Elle se fonde uniquement sur la fidélité de Dieu, sa puissance miséricordieuse, son amour paternel inconditionnel. C'est pourquoi elle est accessible à tous : aux grands et aux petits, aux forts et aux faibles, aux justes et aux pécheurs.
Comme l'a vécu Abraham, le père des croyants, la confiance est un chemin qui se fait en marchant. Nous ne comprenons pas toujours où Dieu nous mène, nous ne voyons pas toujours le sens de ce qu'il permet. Mais nous faisons confiance, nous avançons pas à pas, certains qu'il nous conduit vers une terre promise dont nous ne pouvons encore imaginer la beauté.
Comme l'a enseigné saint Augustin, cette confiance naît d'une rencontre personnelle avec le Dieu-Trinité, dans l'intimité du cœur. Elle n'est jamais contrainte de l'extérieur, mais jaillit de l'expérience intérieure de l'amour divin.
Comme l'a systématisé saint Thomas d'Aquin, la confiance est une vertu théologale intimement liée à l'espérance. Elle met notre confiance dans les promesses du Christ et prend appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit.
Comme l'a vécu saint François de Sales, le trône de la miséricorde de Dieu est notre misère même. Plus nous sommes misérables, plus nous devons avoir confiance. Car la miséricorde divine se déploie d'autant plus que nous reconnaissons humblement notre besoin d'elle.
Comme l'a proclamé sainte Thérèse de Lisieux, on n'a jamais trop de confiance dans le bon Dieu si puissant et si miséricordieux. Même si nous avions commis tous les crimes possibles, notre confiance devrait rester la même, car elle se fonde non sur nous mais sur l'amour infini de Dieu.
Puissions-nous, à l'école de ces maîtres spirituels et fortifiés par la grâce, grandir chaque jour dans cette confiance qui ouvre les portes du Royaume. Puissions-nous devenir, pour notre monde anxieux, des témoins lumineux de cette vérité libératrice : Dieu est digne de confiance, absolument, totalement, définitivement.
Concluons avec les paroles de saint Paul qui résument magnifiquement le mystère de la confiance chrétienne :
« Je suis sûr que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l'avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs, ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 8, 38-39).
C'est sur cette certitude inébranlable que repose notre confiance. C'est elle qui nous permet, chaque jour, de remettre notre vie entre les mains du Père, comme Jésus lui-même l'a fait sur la croix : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Lc 23, 46).
Alors oui, vraiment : C'est la confiance !
— Bénédicte de F.