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Le lâcher-prise et les fondements bibliques

I. Le lâcher-prise chrétien : entre abandon et responsabilité

1.1. Qu'est-ce que le lâcher-prise dans la foi chrétienne ?

Dans un monde où l'anxiété, le stress et le besoin de tout contrôler dominent nos existences, la notion de « lâcher-prise » résonne de manière particulière. Mais qu'entend-on exactement par lâcher-prise dans la tradition chrétienne ? Est-ce une démission, une passivité, un renoncement ? Ou au contraire, un acte de force et de liberté ?

Le lâcher-prise chrétien se distingue radicalement de la simple résignation passive ou de l'indifférence stoïcienne. Il s'agit d'un acte positif et actif par lequel le croyant renonce à la volonté de tout maîtriser pour se remettre avec confiance entre les mains de Dieu. Ce n'est pas abandonner ses responsabilités, mais reconnaître humblement que nous ne sommes pas tout-puissants et que Dieu conduit notre histoire.

La tradition chrétienne parle d'« abandon à la Providence divine », expression magnifiquement développée par le père Jean-Pierre de Caussade au XVIIIe siècle. Pour lui, l'abandon n'est pas l'absence de volonté, mais la conformité libre et aimante de notre volonté à celle de Dieu. Il écrit : « l'action divine inonde l'univers, elle pénètre toutes les créatures, elle les surnage ; partout où elles sont, elle y est ; elle les devance, elle les accompagne, elle les suit. Il n'y a qu'à se laisser emporter par ses ondes. »

Ce lâcher-prise comporte plusieurs dimensions essentielles :

Le renoncement à l'illusion de contrôle

Nous vivons dans une culture qui valorise la maîtrise technique, la planification rationnelle, le contrôle absolu. Lâcher prise, c'est d'abord reconnaître que cette maîtrise est largement illusoire. Tant de choses échappent à notre contrôle : les événements mondiaux, les décisions d'autrui, les accidents de la vie, la maladie, la mort. Vouloir tout contrôler ne génère que frustration et anxiété. Le lâcher-prise chrétien invite à distinguer ce qui dépend de nous (et que nous devons assumer pleinement) de ce qui ne dépend pas de nous (et que nous devons confier à Dieu).

L'accueil du moment présent

Le lâcher-prise implique de vivre pleinement le moment présent plutôt que de ressasser le passé ou de s'angoisser pour l'avenir. « Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6, 34), enseigne Jésus. Cette parole n'encourage pas l'imprévoyance, mais invite à une attention confiante à l'instant présent où Dieu se donne. Le père de Caussade parle du « sacrement du moment présent » : chaque instant contient la volonté de Dieu pour nous, et c'est en l'accueillant avec foi que nous grandissons dans la sainteté.

La remise confiante de sa vie à Dieu

Lâcher prise, c'est finalement dire à Dieu, à l'exemple de Marie : « qu'il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 38). C'est remettre entre ses mains nos projets, nos espoirs, nos déceptions, nos échecs, en croyant qu'il peut tirer un bien de toute chose. « Nous savons qu'avec ceux qui l'aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien » (Rm 8, 28). Cette remise n'est pas une démission mais un acte de foi en la bonté providentielle de Dieu.

1.2. Les obstacles au lâcher-prise

Plusieurs obstacles rendent difficile le lâcher-prise véritable :

La peur de perdre le contrôle

Notre culture moderne a fait du contrôle une valeur cardinale. Ne pas maîtriser une situation génère de l'angoisse. Or, le lâcher-prise suppose précisément d'accepter de ne pas tout contrôler. Cette peur est souvent liée à un manque de confiance fondamental : si je lâche, qui va prendre le relais ? Le lâcher-prise chrétien répond : Dieu lui-même prend le relais, lui qui conduit toutes choses avec sagesse.

L'illusion de l'autonomie absolue

La modernité a promu l'idée d'une autonomie radicale de l'individu : « je suis maître de moi-même, je ne dépends de personne ». Cette illusion rend impossible le lâcher-prise authentique. Car lâcher prise, c'est reconnaître notre dépendance fondamentale, d'abord envers Dieu, ensuite envers les autres. Ce n'est pas une aliénation mais la reconnaissance lucide de notre condition de créatures.

La confusion entre lâcher-prise et irresponsabilité

Un obstacle fréquent est la crainte que le lâcher-prise conduise à l'inaction ou à l'irresponsabilité. « Si je m'abandonne à Dieu, dois-je encore agir ? » Cette crainte repose sur une incompréhension. Le véritable lâcher-prise ne dispense jamais de nos responsabilités. Au contraire, il nous libère pour agir avec plus de liberté intérieure, sans l'anxiété paralysante du « tout dépend de moi ». Comme le dit saint Ignace de Loyola : « agis comme si tout dépendait de toi, en sachant qu'en réalité tout dépend de Dieu ».

L'attachement aux résultats

Nous voulons non seulement agir, mais aussi voir les fruits de notre action, contrôler les résultats. Or, le lâcher-prise implique de poser nos actes avec droiture et compétence, puis de confier les résultats à Dieu. C'est particulièrement difficile dans nos vies professionnelles, éducatives, apostoliques : nous voudrions mesurer, quantifier, vérifier l'efficacité. Le lâcher-prise chrétien nous rappelle que l'essentiel échappe à nos mesures et que Dieu fait fructifier nos actions de manières que nous ne voyons pas toujours.

1.3. Lâcher-prise et action : une tension féconde

Le lâcher-prise chrétien n'est jamais passif. Il s'agit d'une passivité active ou d'une activité abandonnée. Cette apparente contradiction mérite d'être explicitée.

L'action responsable

Le chrétien est appelé à agir avec toute l'intelligence, la compétence et l'engagement dont il est capable. Il ne peut se dérober à ses responsabilités sous prétexte d'abandon à la Providence. Saint Paul est clair : « si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus » (2 Th 3, 10). L'abandon à Dieu ne dispense jamais du travail bien fait, de la réflexion approfondie, de l'engagement résolu.

Le lâcher-prise intervient non dans le refus d'agir, mais dans la manière d'agir. Il s'agit d'agir sans anxiété paralysante, sans attachement désordonné aux résultats, sans vouloir tout contrôler, dans la confiance que Dieu bénit nos efforts, en acceptant que les fruits ne soient pas toujours visibles ou immédiats.

L'obéissance active

Le lâcher-prise chrétien s'apparente à ce que les mystiques appellent l'« indifférence » ignatienne ou la « déprise » (Gelassenheit) de Maître Eckhart. Il ne s'agit pas d'indifférence au sens courant (ne plus se soucier de rien), mais d'une disponibilité intérieure totale à la volonté de Dieu. Cette indifférence rend paradoxalement plus actif, plus engagé, plus libre. Car celui qui ne cherche que la volonté de Dieu peut s'engager totalement sans être paralysé par la peur de l'échec ou l'orgueil de la réussite.

La patience active

Le lâcher-prise implique aussi une dimension temporelle : accepter le temps de Dieu, qui n'est pas le nôtre. « Dieu ne se hâte pas, mais il n'est jamais en retard », dit un proverbe spirituel. Cette patience n'est pas une attente passive, mais une persévérance confiante dans l'action. Abraham attendit vingt-cinq ans la réalisation de la promesse ; Moïse passa quarante ans au désert avant d'être appelé ; Marie attendit trente ans avant de voir commencer le ministère public de Jésus. Le lâcher-prise chrétien est cette capacité de persévérer dans l'action tout en confiant à Dieu le moment et la manière de la fructification.

1.4. L'exemple d'Abraham : le paradigme du lâcher-prise

L'histoire d'Abraham offre le modèle parfait du lâcher-prise chrétien. Dieu lui dit : « va-t'en de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai » (Gn 12, 1). Remarquons les éléments de ce lâcher-prise :

Un départ sans destination connue

Abraham doit partir sans connaître sa destination. Il quitte la sécurité du connu pour l'incertitude du chemin. C'est l'essence même du lâcher-prise : accepter de ne pas tout savoir, de ne pas tout maîtriser, de faire confiance à Celui qui guide.

Une rupture avec le passé

Abraham doit quitter son pays, sa parenté, la maison de son père. Le lâcher-prise suppose souvent une rupture avec nos habitudes, nos sécurités, nos repères familiers. Ce n'est pas pour le plaisir de la rupture, mais pour entrer dans le nouveau que Dieu prépare.

Une obéissance de foi

« Abraham partit, comme le Seigneur le lui avait dit » (Gn 12, 4). Cette obéissance n'est pas aveugle : elle se fonde sur la confiance en la parole de Dieu. Le lâcher-prise chrétien est toujours un acte de foi, jamais un saut dans le vide.

Une fécondité inattendue

Le lâcher-prise d'Abraham le conduit à devenir « le père d'une multitude de nations ». Dieu fait porter des fruits inimaginables à celui qui lui fait confiance et accepte de lâcher ses propres plans.

II. Les racines bibliques de la confiance

2.1. L'Ancien Testament : la foi des Pères

La racine hébraïque de la confiance

Le mot hébreu pour « foi » ou « confiance » dérive de la racine אמן (amn), qui signifie « être ferme, solide, stable ». Cette racine a donné plusieurs termes essentiels :

  • 'emunah : la fermeté, la fidélité, la confiance
  • 'emeth : la vérité, la stabilité, la fiabilité
  • 'amen : « ainsi soit-il », expression de la foi assurée

Cette étymologie révèle que la confiance biblique n'est pas un sentiment vague, mais une solidité, une fermeté, un enracinement. Comme le dit Isaïe : « si vous ne croyez pas (ta'aminu), vous n'aurez pas la stabilité (te'amenu) » (Is 7, 9). La foi-confiance donne la stabilité dans l'existence, car elle s'appuie sur le Roc inébranlable qu'est Dieu.

Abraham : le père des croyants

Abraham est le modèle par excellence de la confiance. L'épisode central se trouve en Genèse 15. Dieu promet à Abraham, déjà âgé et sans enfant, une descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel. Le texte ajoute ce verset fondamental : « Abraham eut foi en le Seigneur, et cela lui fut compté comme justice » (Gn 15, 6).

Ce verset est capital dans toute la Bible. Il établit que :

  1. La confiance en Dieu est le cœur de la justice (la bonne relation avec Dieu)
  2. Cette confiance ne se fonde pas sur des évidences sensibles (Abraham et Sarah sont trop vieux pour avoir des enfants) mais sur la fidélité de Dieu à sa parole
  3. Dieu « compte » cette confiance comme justice : il l'agrée, la valorise, la récompense

Saint Paul reviendra longuement sur ce verset dans son épître aux Romains (chapitre 4), montrant qu'Abraham est le père de tous les croyants, circoncis ou incirconcis, juifs ou païens. Ce qui fait le croyant, ce n'est pas l'appartenance ethnique ou religieuse, mais la confiance en Dieu à la manière d'Abraham.

L'épreuve suprême de cette confiance vient au chapitre 22 : Dieu demande à Abraham de sacrifier Isaac, le fils de la promesse. Comment comprendre cette demande qui semble contredire la promesse elle-même ? Abraham obéit, confiant que « Dieu peut même ressusciter les morts » (He 11, 19). Cette confiance absolue, qui continue d'espérer contre toute espérance, est le sommet de la foi abrahamique. Au dernier moment, Dieu retient la main d'Abraham et lui dit : « maintenant je sais que tu crains Dieu et que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique » (Gn 22, 12).

Les Psaumes : l'école de la confiance

Les Psaumes constituent le grand livre de prière de la confiance. Ils expriment toutes les situations humaines - joie et détresse, louange et plainte, action de grâce et supplication - mais toujours dans une attitude fondamentale de confiance en Dieu.

Le Psaume 23 : « Le Seigneur est mon berger »

« Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien.
Sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer.
Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre...
Même si je passe par un ravin d'ombre et de mort,
je ne crains aucun mal, car tu es avec moi. » (Ps 23, 1-4)

La confiance ne nie pas les épreuves (« ravin d'ombre et de mort »), mais affirme que la présence de Dieu les traverse et les transfigure. Le psalmiste peut dire « je ne crains aucun mal », non parce que le mal est absent, mais parce que Dieu est présent.

Le Psaume 91 : la confiance du protégé

« Celui qui habite à l'abri du Très-Haut
et demeure à l'ombre du Puissant
dit au Seigneur : "Mon refuge et ma forteresse,
mon Dieu en qui je me confie !"
...
Car il te couvre de ses plumes,
tu trouves un abri sous son aile;
sa fidélité est un bouclier et une armure. » (Ps 91, 1-4)

Les images sont tendres (les plumes, l'aile protectrice) et guerrières (bouclier, armure). La confiance en Dieu nous protège non en nous épargnant toutes les difficultés, mais en nous donnant la force de les traverser.

Le Psaume 62 : Dieu seul

« En Dieu seul mon âme trouve le repos,
oui, mon espoir vient de lui.
Lui seul est mon rocher, mon salut,
ma citadelle, je suis inébranlable...
En Dieu seul est mon salut et ma gloire,
le rocher de ma force, mon abri est en Dieu. » (Ps 62, 6-8)

Le refrain « En Dieu seul » ('ak b'Elohim) souligne l'unicité de la confiance véritable. Tant que nous mettons notre confiance dans les richesses, les hommes, nos propres forces, nous restons instables. Seul Dieu mérite une confiance absolue.

Les Prophètes : appels à la confiance

Isaïe : le rocher des siècles

Le prophète Isaïe insiste particulièrement sur la confiance en Dieu face aux menaces historiques. Lorsque le roi Acaz, menacé par les royaumes voisins, veut chercher des alliances politiques, Isaïe lui dit : « si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas » (Is 7, 9).

Plus loin, Isaïe proclame :

« À celui qui est ferme dans ses sentiments
tu assures la paix, la paix,
parce qu'il se confie en toi.
Confiez-vous en l'Éternel à perpétuité,
car l'Éternel, l'Éternel est le rocher des siècles. » (Is 26, 3-4)

Cette « paix parfaite » (shalom shalom) est le fruit de la confiance inébranlable. L'image du « rocher des siècles » (tsur 'olamim) deviendra centrale dans la spiritualité chrétienne : Dieu est la stabilité absolue au milieu des bouleversements de l'histoire.

Jérémie : l'arbre planté près de l'eau

Le prophète Jérémie offre une image magnifique de celui qui met sa confiance en Dieu :

« Béni soit l'homme qui se confie en l'Éternel
et dont l'Éternel est l'assurance !
Il ressemble à un arbre planté près de l'eau
et qui étend ses racines vers le cours d'eau ;
il ne s'aperçoit pas de la venue de la chaleur
et son feuillage reste vert.
Lors d'une année de sécheresse, il ne redoute rien
et il ne cesse pas de porter du fruit. » (Jr 17, 7-8)

Cette image botanique est saisissante : la confiance en Dieu est comme des racines plongeant dans l'eau vive. Même quand les circonstances extérieures sont difficiles (chaleur, sécheresse), l'arbre reste vert et fructueux car il puise sa vie à une source profonde. Ainsi le croyant qui fait confiance en Dieu traverse les épreuves sans se dessécher, car il puise sa force en Dieu lui-même.

Jérémie oppose cette image à celle de l'homme qui met sa confiance dans les créatures :

« Maudit soit l'homme qui se confie en l'homme,
qui prend la chair pour appui
et dont le cœur se détourne de l'Éternel !
Il sera comme une bruyère dans le désert,
et il ne verra point venir le bonheur. » (Jr 17, 5-6)

Le prophète ne condamne pas les relations humaines, mais la confiance ultime placée dans les créatures plutôt qu'en Dieu. Seul Dieu mérite une confiance absolue.

Les livres sapientiaux : la confiance comme sagesse

Les Proverbes

Le livre des Proverbes contient des maximes célèbres sur la confiance :

« Confie-toi en l'Éternel de tout ton cœur,
et ne t'appuie pas sur ta sagesse ;
reconnais-le dans toutes tes voies,
et il aplanira tes sentiers. » (Pr 3, 5-6)

Ce passage est l'un des plus cités sur la confiance. Il établit plusieurs principes :

  1. La confiance doit être totale (« de tout ton cœur »)
  2. Elle suppose de renoncer à s'appuyer sur sa propre intelligence
  3. Elle doit concerner tous les domaines de la vie (« dans toutes tes voies »)
  4. Elle a pour fruit une vie « aplanie », c'est-à-dire harmonieuse et droite

2.2. Le Nouveau Testament : la confiance accomplie en Christ

Jésus : maître de la confiance

L'enseignement de Jésus sur la confiance

Le Sermon sur la Montagne contient l'enseignement le plus complet de Jésus sur la confiance filiale. Dans Matthieu 6, 25-34, Jésus développe longuement le thème : « ne vous faites pas de souci ».

« C'est pourquoi je vous dis : ne vous faites pas de souci pour votre vie,
de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de quoi vous le vêtirez.
La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ?
Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent,
et ils n'amassent rien dans des greniers ;
et votre Père céleste les nourrit.
Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux ? » (Mt 6, 25-26)

Jésus ne prône pas l'insouciance irresponsable, mais invite à une confiance filiale envers le Père céleste. L'argument procède du plus petit au plus grand : si Dieu prend soin des oiseaux et des lis des champs, à combien plus forte raison prendra-t-il soin de ses enfants ! La confiance chrétienne se fonde sur cette conviction que nous avons un Père qui nous aime et veille sur nous.

Le texte se termine par la formule célèbre :

« Ne vous faites pas de souci pour demain :
demain aura souci de lui-même ;
à chaque jour suffit sa peine. » (Mt 6, 34)

Cette parole n'encourage pas l'imprévoyance, mais invite à vivre le présent avec confiance, sans se laisser paralyser par l'anxiété du lendemain. C'est le cœur du lâcher-prise évangélique.

Les miracles de la confiance

Les évangiles racontent de nombreux miracles où Jésus souligne le rôle de la confiance (pistis, foi) :

  • À la femme hémorroïsse : « ma fille, ta foi t'a sauvée » (Mc 5, 34)
  • Au centurion : « je n'ai trouvé une telle foi chez personne en Israël » (Mt 8, 10)
  • À la Cananéenne : « femme, ta foi est grande ! Qu'il te soit fait comme tu veux » (Mt 15, 28)
  • À Jaïrus dont la fille vient de mourir : « ne crains pas, crois seulement » (Mc 5, 36)

Cette dernière parole mérite attention. Face à la mort de sa fille, Jaïrus reçoit de Jésus deux injonctions : « ne crains pas » et « crois seulement ». La confiance chasse la peur ; ou plutôt, la confiance permet de traverser la peur sans être paralysé par elle. « Crois seulement » (monon pisteue) : il ne s'agit pas d'avoir beaucoup de mérites, beaucoup de vertus, beaucoup de connaissances. Il suffit de croire, de faire confiance. Et Jésus ressuscite la fillette.

Saint Paul : la foi-confiance comme principe du salut

Romains : justifiés par la foi

L'épître aux Romains développe magistralement la théologie paulinienne de la foi-confiance. Pour Paul, la confiance en Christ (et non les œuvres de la Loi) est le principe du salut :

« Nous estimons en effet que l'homme est justifié par la foi,
indépendamment des œuvres de la Loi. » (Rm 3, 28)

Paul reprend l'exemple d'Abraham :

« Abraham eut foi en Dieu et cela lui fut compté comme justice... » (Rm 4, 3)

Et il en tire une conclusion universelle : Abraham est le père de tous les croyants, circoncis ou incirconcis. Ce qui justifie, c'est la confiance en Dieu, pas l'appartenance ethnique ou religieuse.

2 Corinthiens : la confiance dans la faiblesse

Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, Paul fait un pas supplémentaire. Non seulement la confiance est nécessaire, mais elle grandit paradoxalement dans l'épreuve et la faiblesse :

« Si nous nous sommes trouvés sous le coup d'un arrêt de mort,
c'était pour que notre confiance ne soit plus en nous-mêmes,
mais en Dieu qui ressuscite les morts. » (2 Co 1, 9)

L'épreuve a pour fonction de déplacer notre confiance : de nous-mêmes vers Dieu. Tant que nous nous croyons forts et capables, nous risquons de nous appuyer sur nos propres forces. Mais quand l'épreuve nous fait toucher nos limites, nous découvrons que Dieu seul peut nous sauver. C'est alors que naît la vraie confiance théologale.

Plus loin, Paul évoque « l'écharde dans la chair » que Dieu refuse d'enlever malgré ses prières. Le Seigneur lui répond :

« Ma grâce te suffit, car ma puissance se déploie dans la faiblesse. » (2 Co 12, 9)

Paul en conclut :

« Je me vanterai donc bien plus volontiers de mes faiblesses,
afin que la puissance du Christ repose sur moi. » (2 Co 12, 9)

Voilà un paradoxe chrétien fondamental : la confiance ne repose pas sur notre force, mais sur notre faiblesse assumée, qui laisse place à la puissance de Dieu.

Philippiens : tout en Christ

L'épître aux Philippiens contient l'une des affirmations les plus fortes de la confiance chrétienne :

« Je peux tout en celui qui me donne la force. » (Ph 4, 13)

Cette parole est souvent citée hors contexte. Paul ne dit pas « je peux tout par moi-même » (ce serait de l'orgueil), mais « je peux tout en celui qui me fortifie » (en tô endunamounti me). La confiance chrétienne n'est jamais confiance en soi, mais confiance en Christ qui agit en nous et nous fortifie.

L'épître aux Hébreux : la confiance victorieuse

L'épître aux Hébreux développe longuement le thème de la confiance (pistis) au chapitre 11, le célèbre « chapitre de la foi ». Après avoir défini la foi comme « la garantie des biens que l'on espère, la preuve des réalités qu'on ne voit pas » (He 11, 1), l'auteur déroule une magnifique litanie des héros de la foi de l'Ancien Testament : Abel, Hénok, Noé, Abraham, Sara, Isaac, Jacob, Joseph, Moïse, Rahab...

Tous ces témoins ont en commun d'avoir fait confiance à Dieu malgré les apparences contraires, malgré les épreuves, malgré l'absence de réalisation immédiate des promesses. Ils ont « tous vécu dans la foi sans avoir reçu l'objet des promesses, mais ils l'ont vu et salué de loin » (He 11, 13).

L'auteur conclut ce chapitre en exhortant ses lecteurs :

« Nous donc aussi, entourés d'une si grande nuée de témoins,
rejetons tout fardeau et le péché qui nous enveloppe si facilement,
et courons avec persévérance l'épreuve qui nous est proposée,
les yeux fixés sur Jésus, qui est l'auteur de la foi
et qui la mène à la perfection. » (He 12, 1-2)

Jésus est présenté comme l'« auteur » (archêgon) et le « consommateur » (teleiôtên) de la foi. Il est à la fois le principe et l'accomplissement de notre confiance. C'est en lui, par lui, pour lui que nous faisons confiance.

2.3. Synthèse théologique : les caractéristiques de la confiance biblique

En parcourant l'ensemble des Écritures, nous pouvons dégager plusieurs caractéristiques essentielles de la confiance biblique :

1. Elle se fonde sur la fidélité de Dieu
La confiance biblique n'est pas une attitude psychologique volontariste, mais une réponse à la fidélité éprouvée de Dieu.

2. Elle s'exerce dans l'épreuve
Paradoxalement, c'est dans les moments de crise que la confiance se révèle et se fortifie.

3. Elle libère pour l'action
Loin de conduire à la passivité, la confiance biblique libère pour l'action responsable.

4. Elle s'accompagne de patience
La confiance biblique implique toujours une dimension d'attente.

5. Elle est exclusive
La Bible insiste constamment sur le fait que Dieu seul mérite une confiance absolue.

6. Elle conduit à la paix
Le fruit par excellence de la confiance est la paix intérieure.

7. Elle se nourrit de la Parole
« La foi vient de ce que l'on entend, et ce que l'on entend vient de la parole du Christ » (Rm 10, 17).

III. Conclusion du Document 1

À travers ce parcours du lâcher-prise chrétien et des fondements bibliques de la confiance, plusieurs vérités essentielles se dégagent :

Le lâcher-prise chrétien n'est pas une démission, mais un acte positif et actif de remise de sa vie entre les mains de Dieu. Il suppose de renoncer à l'illusion du contrôle total tout en assumant pleinement ses responsabilités.

La confiance s'enracine dans toute l'histoire biblique, depuis Abraham jusqu'au Christ. Elle n'est pas une invention tardive, mais le cœur même de la relation entre Dieu et son peuple.

Cette confiance trouve son accomplissement dans le Christ, qui est à la fois le modèle parfait de la confiance filiale et la source de notre propre confiance.

La confiance biblique transforme notre rapport au monde, non en nous faisant fuir les responsabilités, mais en nous libérant de l'anxiété paralysante.

— Bénédicte de F.
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Témoignages et traditions

Introduction

Après avoir exploré le lâcher-prise chrétien et les fondements bibliques de la confiance, nous nous tournons maintenant vers ceux qui, au fil des siècles, ont vécu, approfondi et transmis cette doctrine : les Pères et les Docteurs de l'Église.

I. Saint Augustin d'Hippone (354-430) : la confiance comme relation personnelle

1.1. Le cheminement d'Augustin vers la confiance

Saint Augustin, l'un des quatre grands Docteurs de l'Église latine, a connu un long cheminement avant de trouver la paix dans la confiance en Dieu. Ses Confessions, écrites vers 397-400, racontent ce parcours avec une franchise bouleversante. Durant des années, Augustin a cherché la vérité et le bonheur dans la philosophie, les plaisirs, les honneurs, sans trouver la paix. Sa conversion, à l'âge de 32 ans, est d'abord une découverte de Dieu comme « Tu », comme Quelqu'un à qui l'on peut faire confiance.

Le célèbre passage des Confessions l'exprime magistralement :

« Tard je t'ai aimée, Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je t'ai aimée !
Mais quoi ! Tu étais au-dedans de moi et j'étais, moi, en dehors de moi-même !
Et c'est au dehors que je te cherchais ;
je me ruais dans ma laideur sur la grâce de tes créatures.
Tu étais avec moi et je n'étais pas avec toi. »

Cette découverte est fondamentale : Dieu n'est pas un objet lointain que l'on chercherait à l'extérieur, mais une présence intérieure, plus intime à nous-mêmes que nous ne le sommes. La confiance naît de cette rencontre intime avec le Dieu qui habite au plus profond de l'âme.

1.2. La confiance comme dialogue personnel

Pour Augustin, la relation à Dieu n'est pas affaire de code moral ou d'autorité extérieure imposée, mais de confiance amoureuse entre deux libertés. Dans les Confessions, Augustin ne parle jamais de Dieu à la troisième personne (« Il »), mais à la deuxième (« Tu »). Dieu n'est pas un objet de discours, mais le partenaire d'un dialogue confiant.

1.3. La grâce comme fondement de la confiance

Augustin a développé une théologie de la grâce qui éclaire profondément la nature de la confiance chrétienne. Dans sa controverse avec les pélagiens, qui affirmaient que l'homme peut se sauver par ses propres forces, Augustin insiste sur la nécessité absolue de la grâce divine.

L'homme ne peut, par lui-même, établir une confiance parfaite en Dieu. Il est marqué par une faiblesse fondamentale : chez lui, vouloir et pouvoir ne coïncident pas. « Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je ne veux pas », constate saint Paul (Rm 7, 19).

C'est pourquoi la grâce est nécessaire : elle donne à l'homme non seulement la volonté de faire le bien, mais aussi le pouvoir de l'accomplir. De même, la grâce donne à l'homme non seulement le désir de faire confiance à Dieu, mais la capacité effective de cette confiance.

1.4. La confiance malgré le péché

Un aspect remarquable de la spiritualité augustinienne est que la confiance ne s'appuie jamais sur notre propre justice, mais sur la miséricorde de Dieu. Augustin, qui a connu le péché et la conversion, insiste sur le fait que c'est notre misère même qui doit fonder notre confiance.

II. Saint Thomas d'Aquin (1225-1274) : la confiance comme vertu théologale

2.1. La systématisation thomiste

Saint Thomas d'Aquin, le « Docteur Angélique », a systématisé l'enseignement sur la confiance dans sa monumentale Somme Théologique. Pour lui, la confiance est intimement liée à l'espérance, l'une des trois vertus théologales avec la foi et la charité.

Dans la Somme (IIa-IIae, questions 17-22), Thomas développe une théologie précise de l'espérance. Il la définit comme la vertu par laquelle nous désirons Dieu comme notre bien suprême et nous mettons notre confiance dans son aide pour l'atteindre.

Trois éléments caractérisent l'espérance théologale selon Thomas :

  1. Son objet : la béatitude éternelle, c'est-à-dire Dieu lui-même
  2. Son motif formel : la toute-puissance miséricordieuse de Dieu (et non notre propre force)
  3. Son mouvement : un élan vers le bien ardu mais possible

2.2. La distinction entre espoir humain et espérance théologale

Thomas d'Aquin distingue soigneusement l'espoir naturel (passion de l'âme sensible) de l'espérance théologale (vertu infusée par Dieu dans la volonté). Cette distinction éclaire la spécificité de la confiance chrétienne.

L'espoir naturel peut porter sur n'importe quel bien futur ardu mais possible. Il est proportionné à nos forces naturelles. Par exemple, j'espère réussir un examen si j'ai bien travaillé.

L'espérance théologale porte sur un bien qui dépasse absolument nos forces naturelles : la vision de Dieu face à face, la béatitude éternelle. Elle ne s'appuie donc pas sur nos mérites ou nos capacités, mais sur la toute-puissance de Dieu qui promet et qui donne.

C'est pourquoi Thomas précise que l'espérance « met notre confiance dans les promesses du Christ et prend appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit ». Cette formule, reprise par le Catéchisme de l'Église catholique (n° 1817), exprime parfaitement la nature de la confiance chrétienne : un dépouillement de la confiance en soi, et une remise totale entre les mains de Dieu.

2.3. Les trois canaux de la Révélation

Dans son enseignement, Thomas manifeste une confiance ecclésiale remarquable. Il répète souvent : « dans le domaine de la foi, il fait confiance à l'Église ». Pour lui, la confiance chrétienne n'est jamais isolée ou purement subjective, mais s'inscrit dans la communion ecclésiale.

Cette confiance repose sur trois canaux complémentaires de la Révélation :

  1. L'Écriture Sainte : la Parole de Dieu consignée dans les livres sacrés
  2. La Tradition : l'enseignement des Pères, des Docteurs et des saints
  3. Le Magistère : l'enseignement authentique de l'Église guidée par l'Esprit Saint

2.4. La prière de saint Thomas

La prière personnelle de saint Thomas exprime admirablement sa doctrine de la confiance. Il demandait au Seigneur :

« Accordez-moi une persévérance qui vous attende avec confiance
et une confiance qui vous possède. »

Cette formule est magnifique. Elle montre que la confiance comporte deux dimensions :

L'attente patiente : la confiance s'inscrit dans la durée. Elle n'exige pas la réalisation immédiate de ce qu'elle espère. Elle sait attendre, persévérer, tenir bon dans l'épreuve. C'est la dimension temporelle de l'espérance.

La possession anticipée : paradoxalement, la confiance ne se contente pas d'attendre un bien futur. Elle « possède » déjà, d'une certaine manière, Celui en qui elle croit. Par la foi et l'amour, le croyant goûte dès maintenant la présence de Dieu, anticipe la béatitude promise. C'est la dimension actuelle de l'espérance.

III. Saint François de Sales (1567-1622) : le docteur de la confiance douce

3.1. Le contexte d'une vie

Saint François de Sales, évêque de Genève, fondateur avec sainte Jeanne de Chantal de l'Ordre de la Visitation, est surnommé le « Docteur de l'Amour ». Sa spiritualité, centrée sur la douceur et l'humilité, accorde une place centrale à la confiance en Dieu.

Né en Savoie en 1567, François vécut à une époque charnière, celle de la Réforme protestante et de la Contre-Réforme catholique. Durant ses études à Paris, il traversa une crise spirituelle majeure : pendant six semaines, il fut assailli par la terrible tentation du désespoir, craignant d'être prédestiné à la damnation. Un soir de janvier 1587, prosterné devant une statue de la Vierge Marie, il récita le Souvenez-vous de saint Bernard, prière toute de confiance. Aussitôt la tentation s'évanouit et il retrouva la paix.

Cette expérience marquera toute sa vie et sa spiritualité : la confiance est la voie de la paix et de la sérénité. Comme il l'écrira plus tard : « la confiance est la vie de l'âme : ôtez-lui la confiance, vous lui donnez la mort. »

3.2. Le trône de la miséricorde

Dans ses Entretiens spirituels, François de Sales développe une doctrine magnifique de la confiance fondée sur la miséricorde divine :

« J'ai accoutumé de dire que le trône de la miséricorde de Dieu c'est notre misère :
il faut donc, d'autant que notre misère sera plus grande, avoir une plus grande confiance,
car la confiance est la vie de l'âme : ôtez-lui la confiance, vous lui donnez la mort. »

Cette formule est d'une audace admirable. Le « trône » de Dieu, dans la Bible, évoque sa majesté, sa souveraineté. François affirme que ce trône est « notre misère ». Autrement dit, c'est précisément notre pauvreté, notre faiblesse, notre péché qui deviennent le lieu où la miséricorde de Dieu s'exerce royalement.

Plus nous sommes misérables, plus nous devons avoir confiance. Non pas malgré notre misère, mais à cause d'elle. Car la miséricorde divine se déploie d'autant plus que nous reconnaissons humblement notre besoin d'elle.

3.3. L'abandon à la Providence

François de Sales distingue avec clarté deux manières dont se manifeste la volonté de Dieu :

La volonté de Dieu signifiée : ce sont les commandements, les conseils évangéliques, les inspirations, les devoirs de notre état de vie. Cette volonté est claire, nous la connaissons, et nous devons l'accomplir fidèlement.

La volonté de bon plaisir de Dieu : ce sont les événements que nous ne pouvons prévoir ni contrôler - maladie, épreuves, joies, rencontres. Ces événements manifestent le « bon plaisir » de Dieu, sa volonté permissive qui gouverne l'histoire.

L'abandon à la Providence consiste à accueillir avec une égale confiance ces deux manifestations de la volonté divine. François écrit :

« Cet état du délaissement de nous-mêmes comprend d'être abandonné au vouloir de Dieu
en toutes tentations, aridités, sécheresses, aversions et répugnances qui arrivent en la vie spirituelle;
car en toutes ces choses l'on y voit le bon plaisir de Dieu. »

3.4. La sainte indifférence

François de Sales enseigne ce qu'il appelle la « sainte indifférence » : une disponibilité totale à la volonté de Dieu, quelle qu'elle soit. Il écrit à sainte Jeanne de Chantal :

« Recevez également l'affliction comme la consolation,
la maladie comme la santé,
la pauvreté, le mépris et l'opprobre comme les richesses, l'honneur et la gloire. »

Cette « indifférence » n'est pas l'indifférence au sens moderne (ne se soucier de rien), mais une égalité d'âme qui accepte avec la même confiance ce que Dieu donne ou permet. Elle suppose une grande maturité spirituelle et une confiance totale en la bonté providentielle de Dieu.

3.5. La simplicité et la confiance d'enfant

Une caractéristique majeure de la spiritualité salésienne est l'insistance sur la simplicité. François écrit :

« Je répète ce que si souvent je vous ai dit :
que, non seulement en l'oraison, mais en la conduite de votre vie,
vous devez marcher en l'esprit d'une très parfaite et très simple confiance en Dieu,
entièrement remise et abandonnée à son bon plaisir,
comme un enfant innocent qui se laisse aller à la conduite et direction de sa mère. »

L'image de l'enfant est centrale. Jésus lui-même a dit : « si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Mt 18, 3). François développe cette intuition évangélique : l'enfant ne se soucie pas du lendemain, il fait confiance spontanément, il se laisse conduire.

IV. Sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897) : la petite voie de la confiance

4.1. Un message pour notre temps

Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, carmélite morte à 24 ans, a été proclamée Docteur de l'Église en 1997 par Jean-Paul II. Ce titre, rare (elle est la 33e et la 3e femme à le recevoir), reconnaît l'importance universelle de son message spirituel.

En 2023, le pape François a consacré une exhortation apostolique entière à sainte Thérèse, intitulée C'est la confiance. Ce titre seul dit l'essentiel : pour Thérèse, la confiance n'est pas une vertu parmi d'autres, mais le cœur même de la vie chrétienne, l'unique chemin vers l'amour.

4.2. La parole centrale : « C'est la confiance et rien que la confiance »

Dans une lettre à sa sœur Marie du Sacré-Cœur, datée du 17 septembre 1896, Thérèse écrit la phrase qui résume toute sa spiritualité :

« C'est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l'Amour. »

Cette affirmation est d'une radicalité impressionnante. « Rien que la confiance » : pas les œuvres, pas les mérites, pas les vertus éclatantes, pas les mortifications héroïques. Seule la confiance. Elle est le chemin unique, exclusif, vers la plénitude de l'amour divin.

Thérèse ne minimise pas l'importance des œuvres ou des vertus. Mais elle affirme que sans la confiance, tout cela est stérile. Avec la confiance, tout devient fécond, même les plus petites choses, même nos faiblesses et nos péchés.

4.3. La confiance malgré les péchés

L'audace de Thérèse atteint son sommet dans ces paroles qu'elle prononce trois mois avant sa mort, en juillet 1897 :

« On pourrait croire que c'est parce que je n'ai pas péché
que j'ai une confiance si grande dans le bon Dieu.
Dites bien, ma Mère, que si j'avais commis tous les crimes possibles,
j'aurais toujours la même confiance,
je sens que toute cette multitude d'offenses serait comme une goutte d'eau
jetée dans un brasier ardent. »

Ces paroles sont stupéfiantes. Thérèse imagine l'hypothèse la plus extrême : avoir commis « tous les crimes possibles ». Et elle affirme que même dans ce cas, sa confiance serait « la même », c'est-à-dire totale, inébranlable.

Pourquoi ? Parce que sa confiance ne repose en rien sur sa propre pureté, mais uniquement sur la miséricorde infinie de Dieu. Les péchés, même les plus graves et les plus nombreux, ne sont qu'« une goutte d'eau » face au « brasier ardent » de l'amour miséricordieux. Ils ne peuvent éteindre ce feu, au contraire, ils sont consumés par lui.

4.4. « On n'a jamais trop de confiance »

Thérèse ajoute une autre parole décisive :

« On n'a jamais trop de confiance dans le bon Dieu si puissant et si miséricordieux. »

« Jamais trop » : il n'y a pas de limite à la confiance. On ne peut exagérer, on ne peut aller trop loin. Pourquoi ? Parce que Dieu lui-même est « si puissant et si miséricordieux » qu'aucune confiance, aussi audacieuse soit-elle, ne peut dépasser sa capacité de répondre.

Cette parole libère d'un scrupule fréquent : « Ne suis-je pas présomptueux en ayant une telle confiance malgré mes faiblesses ? » Thérèse répond : Non, vous ne pouvez jamais avoir trop de confiance. La présomption consisterait à compter sur ses propres forces. Mais compter sur Dieu seul, c'est la vraie confiance, et elle ne peut être excessive.

4.5. La petite voie d'enfance spirituelle

Thérèse appelle sa spiritualité la « petite voie » ou la voie d'« enfance spirituelle ». Elle l'explique dans ses manuscrits autobiographiques (Histoire d'une Âme) :

« Jésus m'a fait la grâce de me montrer le seul chemin qui conduit à ce Fourneau Divin,
ce chemin c'est l'abandon du petit enfant qui s'endort sans crainte dans les bras de son Père. »

L'image de l'enfant est capitale. Qu'est-ce qui caractérise le petit enfant dans les bras de son père ?

  • Il ne compte pas sur ses propres forces : il sait qu'il est faible, incapable de marcher seul.
  • Il fait totalement confiance : il s'abandonne sans crainte, sans calcul.
  • Il s'endort paisiblement : même quand il ne voit rien, ne comprend rien, il dort en paix.
  • Il se laisse porter : il ne fait pas le trajet par lui-même, c'est le père qui le porte.

Cette « petite voie » s'oppose aux « grandes voies » héroïques de la sainteté qui semblaient hors de portée pour Thérèse. Elle écrit : « l'ascenseur qui doit m'élever jusqu'au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! » Elle n'a pas besoin de gravir l'escalier marche après marche par ses propres efforts. Il lui suffit de se laisser prendre et élever par Jésus lui-même.

4.6. Vivre la confiance au présent

Dans son poème Rien que pour aujourd'hui, Thérèse chante la confiance vécue instant après instant :

« Ma vie n'est qu'un instant, une heure passagère...
Pour un jour seulement reste mon doux appui.
Viens régner dans mon cœur, donne-moi ton sourire,
Rien que pour aujourd'hui ! »

Cette spiritualité du « moment présent » rejoint l'enseignement du père de Caussade sur le « sacrement du moment présent ». La confiance ne se vit pas dans l'abstrait ou dans un futur hypothétique, mais dans l'instant concret qui m'est donné.

« Rien que pour aujourd'hui » : je ne me soucie pas de demain, je ne ressasse pas hier. J'accueille aujourd'hui avec confiance comme le don de Dieu pour moi. Cette attitude libère de l'anxiété du lendemain et des regrets du passé.

V. Autres témoins de la confiance

5.1. Charles de Foucauld (1858-1916) : la prière d'abandon

Le bienheureux Charles de Foucauld, ermite au Sahara, a composé une prière d'abandon devenue célèbre dans toute l'Église :

« Mon Père,
je m'abandonne à toi,
fais de moi ce qu'il te plaira.
Quoi que tu fasses de moi, je te remercie.
Je suis prêt à tout, j'accepte tout.
Pourvu que ta volonté se fasse en moi, en toutes tes créatures,
je ne désire rien d'autre, mon Dieu.
Je remets mon âme entre tes mains.
Je te la donne, mon Dieu,
avec tout l'amour de mon cœur,
parce que je t'aime,
et que ce m'est un besoin d'amour de me donner,
de me remettre entre tes mains sans mesure,
avec une infinie confiance,
car tu es mon Père. »

Cette prière exprime magnifiquement l'abandon total, sans réserve, avec « une infinie confiance ». Elle se fonde sur la paternité de Dieu : « car tu es mon Père ». C'est parce que Dieu est Père que nous pouvons tout lui confier.

5.2. Le Père Jean-Pierre de Caussade (1675-1751)

Le père jésuite Jean-Pierre de Caussade a profondément marqué la spiritualité de l'abandon à la Providence divine. Bien que le traité qui lui est attribué (L'Abandon à la Providence divine) soit en réalité d'auteur collectif, il reflète bien sa spiritualité.

Pour Caussade, « l'action divine inonde l'univers ». Dieu agit dans tous les événements, même les plus ordinaires, même ceux qui nous paraissent contraires. Il écrit :

« Le moment présent est toujours comme un ambassadeur
qui déclare l'ordre de Dieu. »

L'abandon consiste à accueillir chaque instant, chaque événement, comme porteur de la volonté de Dieu pour nous. Non pas avec résignation passive, mais avec confiance active. C'est trouver Dieu non dans l'extraordinaire, mais dans le quotidien le plus simple.

Conclusion du Document 2

À travers ces grands témoins de la confiance chrétienne, de saint Augustin à sainte Thérèse de Lisieux, plusieurs lignes de force se dégagent :

1. La confiance est une relation personnelle avec Dieu
Ce n'est jamais une attitude abstraite ou un sentiment psychologique, mais une réponse aimante au Dieu qui se révèle comme Père, comme Ami, comme Époux de l'âme.

2. La confiance se fonde sur la miséricorde, non sur nos mérites
De saint Augustin à saint François de Sales et sainte Thérèse de Lisieux, tous enseignent que c'est notre pauvreté reconnue qui appelle la miséricorde divine.

3. La confiance est inséparable de l'abandon à la Providence
Faire confiance, c'est se remettre totalement entre les mains de Dieu, accueillir avec paix ce qu'il donne ou permet, accomplir fidèlement ses devoirs tout en confiant les résultats à sa sagesse.

4. La confiance appelle la simplicité
L'excès de réflexion, d'analyse, de questionnement peut paralyser. La confiance invite à la simplicité de l'enfant qui se laisse conduire sans tout comprendre.

5. La confiance se vit au présent
Non dans un futur hypothétique ou un passé révolu, mais dans l'instant concret où Dieu se donne et où sa volonté se manifeste.

6. La confiance ne connaît pas de limites
« On n'a jamais trop de confiance », dit Thérèse. Parce que Dieu est infini dans sa puissance et sa miséricorde, aucune confiance ne peut être excessive.

7. La confiance est le chemin unique vers l'amour
« C'est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l'Amour. » Sans la confiance, toutes nos œuvres restent stériles. Avec elle, tout devient fécond.

Super ! Voici le **Document 3 (début - Introduction et obstacles contemporains)** : ```html
Document 3 sur 3

Vivre la confiance aujourd'hui

Introduction

Après avoir exploré les fondements bibliques de la confiance et le témoignage des Pères et Docteurs de l'Église, nous abordons maintenant la question la plus concrète : comment vivre cette confiance aujourd'hui, dans le monde contemporain avec ses défis spécifiques ?

Notre époque est marquée par des bouleversements sans précédent : accélération technologique, crises écologiques, incertitudes économiques, mutations sociales profondes. Dans ce contexte d'instabilité généralisée, la confiance chrétienne peut-elle encore parler au cœur de nos contemporains ? N'est-elle pas un vestige d'une époque révolue, où la vie était plus simple et les certitudes plus solides ?

Au contraire, nous verrons que la confiance chrétienne est plus pertinente que jamais. Loin d'être une fuite devant les défis de notre temps, elle est la réponse la plus réaliste et la plus libératrice face à l'anxiété qui caractérise nos sociétés modernes.

I. Les obstacles contemporains à la confiance

1.1. La culture de l'autonomie absolue

Notre époque a fait de l'autonomie individuelle une valeur cardinale, presque sacrée. « Je suis maître de moi-même », « je ne dépends de personne », « je construis ma propre vie » : ces affirmations résonnent partout dans notre culture contemporaine.

Cette exaltation de l'autonomie n'est pas sans fondement. Elle correspond à une aspiration légitime à la liberté, à la responsabilité personnelle, au refus des tutelles arbitraires. La Déclaration universelle des droits de l'homme et les démocraties modernes reposent sur cette reconnaissance de l'autonomie de la personne.

Cependant, quand l'autonomie devient absolue, elle se transforme en illusion dangereuse. L'homme contemporain veut tout maîtriser : son corps (biotechnologies), son environnement (technologies), son avenir (planification rationnelle). Il refuse toute dépendance, toute limite, tout ce qui échappe à son contrôle.

Cette prétention à l'autonomie absolue rend la confiance chrétienne presque incompréhensible. Comment parler d'abandon à Dieu à quelqu'un qui refuse toute dépendance ? Comment inviter au lâcher-prise quelqu'un qui veut tout contrôler ?

Pourtant, cette autonomie absolue est une illusion. Nous dépendons de mille facteurs que nous ne maîtrisons pas : notre naissance, notre santé, les autres, les événements du monde, et finalement la mort. Vouloir tout contrôler ne génère que frustration et anxiété. La confiance chrétienne, en nous invitant à reconnaître lucidement notre condition de créatures limitées, nous libère paradoxalement.

1.2. L'anxiété généralisée

Notre époque connaît une épidémie d'anxiété. Les statistiques sont éloquentes : selon l'Organisation mondiale de la santé, les troubles anxieux touchent des centaines de millions de personnes dans le monde. Les prescriptions d'anxiolytiques explosent. Le stress, le burn-out, les crises de panique sont devenus des réalités quotidiennes pour beaucoup.

Cette anxiété a des causes multiples et entremêlées :

L'incertitude économique

La précarité du travail, le chômage, l'endettement, les crises financières récurrentes génèrent une insécurité permanente. Contrairement aux générations précédentes qui pouvaient espérer une certaine stabilité professionnelle, beaucoup de nos contemporains vivent dans l'incertitude du lendemain.

L'angoisse sanitaire

La pandémie de Covid-19 a révélé notre vulnérabilité collective face à un virus microscopique. Mais au-delà de cet événement, nos sociétés développent une véritable obsession sanitaire : peur de la maladie, hygiénisme excessif, médicalisation de l'existence.

La crise écologique

Le dérèglement climatique, la perte de biodiversité, la pollution généralisée suscitent une angoisse existentielle, particulièrement chez les jeunes générations. Comment faire confiance quand l'avenir même de la planète semble compromis ?

L'accélération et la surcharge informationnelle

Le rythme de vie s'est accéléré vertigineusement. Les sollicitations sont incessantes (notifications, emails, réseaux sociaux). Cette saturation informationnelle empêche le recul, la contemplation, le silence intérieur — autant de conditions nécessaires pour que la confiance puisse germer.

L'isolement social

Paradoxalement, dans des sociétés hyperconnectées, la solitude et l'isolement progressent. Les liens communautaires traditionnels (famille élargie, voisinage, vie paroissiale) se sont affaiblis. Or, la confiance a besoin de relations vraies, durables, incarnées pour se développer.

1.3. Le sécularisme et la perte du sens de Dieu

Un obstacle majeur à la confiance chrétienne est le sécularisme ambiant, c'est-à-dire l'évacuation de Dieu et du religieux de l'horizon quotidien de beaucoup de nos contemporains.

Cette sécularisation n'est pas seulement un phénomène sociologique (baisse de la pratique religieuse, déchristianisation), mais une transformation profonde de la conscience. Pour beaucoup, Dieu n'est tout simplement plus une réalité vivante. Il est au mieux une abstraction lointaine, au pire une superstition dépassée.

Or, sans Dieu, la confiance chrétienne perd son fondement. À qui faire confiance si l'on ne croit pas en un Dieu personnel, provident, aimant ? Certes, il existe des formes de confiance naturelle, psychologique, philosophique. Mais la confiance chrétienne, telle que l'enseignent l'Écriture et la Tradition, est une vertu théologale : elle a Dieu pour objet et pour motif.

Le sécularisme génère aussi un sentiment d'absurdité existentielle. Si nous sommes le produit du hasard, si l'univers est indifférent, si la mort est l'anéantissement définitif, comment trouver un sens à la vie ? Et sans sens, comment faire confiance ?

1.4. Le scandale du mal et de la souffrance

Le problème du mal est sans doute l'obstacle le plus profond à la confiance en Dieu. Comment faire confiance à un Dieu bon quand le monde est rempli de souffrances injustes, de catastrophes naturelles, de maladies qui frappent les innocents, de crimes atroces ?

Notre époque, marquée par les horreurs du XXe siècle (guerres mondiales, génocides, totalitarismes), a vu ce problème prendre une acuité terrible. Après Auschwitz, écrivait le philosophe Theodor Adorno, la question n'est plus de savoir si l'on peut croire en Dieu, mais comment l'on peut encore vivre.

Les objections classiques reviennent sans cesse :

  • « Si Dieu est tout-puissant et bon, pourquoi permet-il le mal ? »
  • « Pourquoi les innocents souffrent-ils ? »
  • « Où était Dieu pendant cette catastrophe ? »

La foi chrétienne ne prétend pas résoudre intellectuellement le mystère du mal. Elle propose une autre réponse : Dieu lui-même a assumé la souffrance humaine dans le Christ crucifié. Sur la croix, Dieu n'est pas un spectateur lointain de nos souffrances : il les prend sur lui, il les traverse, il les transfigure par la résurrection.

1.5. L'individualisme et la méfiance généralisée

Notre société contemporaine est marquée par un individualisme croissant. Chacun est renvoyé à lui-même, à ses choix personnels, à sa construction identitaire. Les appartenances traditionnelles (famille, village, religion, nation) se sont affaiblies. L'individu est devenu la valeur centrale.

Cet individualisme a des aspects positifs : reconnaissance de la singularité de chaque personne, liberté de conscience, droit à l'autodétermination. Mais il a aussi un revers : l'atomisation sociale et la méfiance généralisée.

Cette méfiance se manifeste de mille manières :

  • Dans la vie sociale : multiplication des contrats, des assurances, des protections juridiques
  • Dans les relations : difficulté à s'engager durablement, tentation de garder toujours une porte de sortie
  • Face aux institutions : défiance envers les autorités politiques, religieuses, médiatiques, scientifiques
  • Dans l'Église elle-même : les scandales récents ont profondément ébranlé la confiance

Cette méfiance généralisée rend la confiance en Dieu elle-même plus difficile. Si l'on ne peut faire confiance à personne, pourquoi ferait-on confiance à Dieu ?

Parfait ! Voici la suite - **Document 3 (Les chemins de la confiance - partie 1)** : ```html

II. Les chemins de la confiance aujourd'hui

Face à ces obstacles redoutables, comment cultiver concrètement la confiance chrétienne ? L'Église, à travers sa tradition spirituelle et sacramentelle, propose plusieurs chemins éprouvés.

2.1. L'oraison et la prière du cœur

La confiance ne peut grandir sans une vie de prière régulière. Dans le silence de l'oraison, nous apprenons à nous tenir en présence de Dieu, à écouter sa voix, à recevoir son amour. C'est dans ce face-à-face que naît la confiance véritable.

Qu'est-ce que l'oraison ?

L'oraison (ou oraison mentale) se distingue de la prière vocale. Elle n'est pas d'abord une récitation de formules, mais un cœur à cœur avec Dieu. Sainte Thérèse d'Avila la définit ainsi : « L'oraison mentale n'est, à mon avis, qu'un commerce intime d'amitié où l'on s'entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé. »

L'oraison suppose plusieurs attitudes :

Le silence : éteindre les sollicitations extérieures (téléphone, ordinateur, distractions) pour se rendre disponible intérieurement. Notre époque bruyante et suractivée rend ce silence difficile mais d'autant plus nécessaire.

La présence : se tenir devant Dieu, dans une attitude d'attention aimante. Non pas faire quelque chose, mais être là, simplement, comme un enfant près de son père.

L'écoute : accueillir ce que Dieu veut dire ou donner. L'oraison n'est pas un monologue où je parlerais seul, mais un dialogue où j'apprends à entendre la voix discrète de l'Esprit.

La régularité : la confiance ne se construit pas en un jour. Elle demande la persévérance d'une pratique quotidienne, même brève (10-15 minutes suffisent pour commencer), même dans la sécheresse ou la distraction.

Les Psaumes, école de la confiance

Les Psaumes sont la prière de l'Église depuis des millénaires. Ils expriment toutes les situations humaines — joie et détresse, louange et plainte, action de grâce et supplication — mais toujours dans une attitude fondamentale de confiance en Dieu.

Quelques Psaumes particulièrement propices à nourrir la confiance :

  • Psaume 23 : « Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien »
  • Psaume 62 : « En Dieu seul mon âme trouve le repos »
  • Psaume 91 : « Celui qui habite à l'abri du Très-Haut »
  • Psaume 121 : « Je lève les yeux vers les montagnes »
  • Psaume 131 : « Je tiens mon âme en paix et silence »

La prière de Jésus (ou prière du publicain)

Héritée de la tradition orientale, cette prière très simple peut accompagner toute la journée : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur. »

Répétée inlassablement, cette invocation devient comme un battement du cœur spirituel. Elle nous maintient dans deux vérités essentielles : nous sommes pécheurs (humilité) et Dieu est miséricordieux (confiance). Elle nous apprend à faire confiance sans cesse, à chaque instant, dans chaque situation.

2.2. La méditation de la Parole de Dieu

L'Écriture Sainte est parsemée d'appels à la confiance et de témoignages de la fidélité divine. En méditant régulièrement ces passages, nous ancrons notre confiance non dans nos sentiments fluctuants, mais dans la Parole même de Dieu qui ne passe pas.

La lectio divina

Cette méthode ancienne de méditation biblique comporte quatre étapes :

  1. Lectio (lecture) : lire lentement un passage de l'Écriture, en s'arrêtant sur les mots, les images, les versets qui résonnent particulièrement.
  2. Meditatio (méditation) : ruminer le texte, le tourner dans son cœur, chercher ce que Dieu veut me dire à travers ces mots.
  3. Oratio (prière) : répondre à Dieu, lui parler de ce qui monte du cœur après la méditation.
  4. Contemplatio (contemplation) : se reposer en Dieu, goûter sa présence, demeurer dans l'attention aimante sans beaucoup de mots.

Quelques passages bibliques à méditer sur la confiance

  • Matthieu 6, 25-34 : « Ne vous faites pas de souci pour demain »
  • Philippiens 4, 4-7 : « Ne vous inquiétez de rien »
  • Romains 8, 28-39 : « Rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu »
  • Psaume 23 : « Le Seigneur est mon berger »
  • Isaïe 26, 3-4 : « À celui qui est ferme dans ses sentiments, tu assures la paix »
  • Jérémie 17, 7-8 : « Béni soit l'homme qui se confie en l'Éternel »

2.3. L'Eucharistie, source et sommet de la confiance

Dans l'Eucharistie, nous recevons le Christ lui-même, pain de vie et gage de la vie éternelle. Ce sacrement nourrit notre confiance en nous donnant non pas des promesses abstraites, mais une présence réelle.

Le Christ qui s'est livré pour nous jusqu'à la mort sur la croix continue de se donner dans chaque communion. Comment ne pas lui faire confiance ? Comment douter de son amour quand il se donne ainsi totalement, jour après jour, dans chaque eucharistie célébrée dans le monde ?

L'Eucharistie, mémorial de la Pâque

Chaque messe actualise le mystère pascal : la mort et la résurrection du Christ. En y participant, nous sommes plongés dans ce mystère. Nous faisons mémoire que le Christ a vaincu la mort, que la vie est plus forte que la mort, que l'amour a triomphé de la haine.

Cette mémoire nourrit notre confiance. Nous ne croyons pas en un Dieu lointain et abstrait, mais en Celui qui est descendu jusqu'au fond de notre condition humaine, qui a connu l'angoisse et la souffrance, qui est mort et ressuscité. Notre confiance repose sur cet événement historique qui fonde toute notre foi.

L'adoration eucharistique

En dehors de la messe, l'adoration du Saint-Sacrement est un temps privilégié pour cultiver la confiance. Dans le silence, devant le tabernacle ou le Saint-Sacrement exposé, nous pouvons simplement nous tenir en présence du Christ.

Cette présence silencieuse est déjà une école de confiance. Nous apprenons à être là, sans rien faire, sans rien produire, simplement disponibles. Nous faisons l'expérience que Dieu ne nous demande pas d'abord des performances, mais notre présence aimante. Et cette expérience pacifie, apaise l'anxiété, ouvre le cœur à la confiance.

2.4. Le sacrement de réconciliation

Paradoxalement, la reconnaissance humble de nos péchés et de nos faiblesses affermit la confiance. En confessant nos fautes, nous expérimentons concrètement la miséricorde de Dieu, son pardon toujours offert, sa patience inlassable.

La confession, rencontre avec la miséricorde

Le sacrement de réconciliation n'est pas d'abord un tribunal où l'on serait jugé, mais un lieu de miséricorde où l'on expérimente la bonté de Dieu. Le pape François le répète inlassablement : le confessionnal doit être un lieu où l'on rencontre le Père qui accueille le fils prodigue, non un juge qui condamne.

Saint Jean-Marie Vianney, le curé d'Ars, pleurait souvent en confessant tant il était bouleversé par la miséricorde de Dieu pour les pécheurs. Il disait à ses pénitents : « Après une bonne confession, tu n'es pas celui qui était entré, mais tu es neuf, lavé, purifié. »

Trois attitudes pour bien vivre la confession

  1. La sincérité : reconnaître humblement ses péchés sans les minimiser ni les dramatiser. Ne pas céder à la tentation de se justifier ou de noyer le poisson.
  2. La contrition : non pas une émotion superficielle, mais un regret profond d'avoir offensé Dieu qui nous aime. C'est moins le remords de nos fautes que l'amour de Dieu qui doit nous pousser au repentir.
  3. La confiance : croire fermement que Dieu pardonne vraiment, totalement, définitivement. Ne pas retenir ses péchés par scrupule ou incrédulité, mais les laisser engloutir dans l'océan de la miséricorde divine.

La confession, école de la confiance

Comme le disait sainte Thérèse de Lisieux, même nos péchés peuvent devenir des occasions de croître dans la confiance. Non qu'il faille pécher pour être pardonné (saint Paul rejette vigoureusement cette logique : Rm 6, 1-2), mais parce que la conscience de notre faiblesse nous garde dans l'humilité et nous empêche de mettre notre confiance en nous-mêmes.

Chaque confession nous rappelle que nous n'avons rien par nous-mêmes et que tout vient de la grâce. Cette vérité, loin de décourager, fonde une confiance inébranlable : puisque tout vient de Dieu, puisque c'est lui qui me sauve et non mes mérites, je peux avoir confiance même dans mes faiblesses.

2.5. L'examen de conscience quotidien

Saint Ignace de Loyola recommandait de pratiquer deux fois par jour un examen particulier de conscience. Cet exercice spirituel, loin d'être une introspection morbide, est une école de lucidité et de miséricorde.

L'examen ignatien en cinq étapes

  1. Rendre grâce : commencer par remercier Dieu pour les bienfaits de la journée. C'est capital : on commence par la gratitude, pas par la culpabilité.
  2. Demander la lumière : prier l'Esprit Saint d'éclairer notre cœur pour voir la vérité sur nous-mêmes.
  3. Passer en revue : relire la journée heure par heure, non pour tout analyser, mais pour repérer les moments où nous avons accueilli ou refusé l'amour de Dieu.
  4. Demander pardon : reconnaître avec simplicité nos fautes et accueillir le pardon divin.
  5. Proposer un amendement : avec l'aide de Dieu, décider d'un point concret d'amélioration pour le lendemain.

L'examen, école de confiance

Cet exercice quotidien nous maintient dans une attitude de vérité et de confiance. Nous apprenons à nommer nos péchés sans nous y identifier, à les regarder en face sans désespérer, parce que nous les regardons à la lumière de la miséricorde divine.

L'examen nous apprend aussi la gratitude, première attitude de confiance. En commençant par l'action de grâce, nous reconnaissons que notre vie est un don, que chaque instant contient des grâces cachées, que Dieu nous accompagne même quand nous ne le voyons pas.

2.6. La remise quotidienne de notre vie à Dieu

Chaque matin, nous pouvons offrir notre journée au Seigneur, lui confier nos projets, nos inquiétudes, nos relations. Chaque soir, nous pouvons remettre entre ses mains ce qui s'est passé, les réussites comme les échecs, en lui faisant confiance pour tirer un bien de toute chose.

L'offrande du matin

Une prière simple, le matin au réveil, peut structurer toute la journée dans la confiance :

« Seigneur, je t'offre cette journée. Que tout ce que je vivrai aujourd'hui — joies et peines, travail et repos, rencontres et solitude — soit pour ta gloire et le bien de mes frères. Je te confie mes projets, mes inquiétudes, mes relations. Que ta volonté se fasse en moi. Viens régner dans mon cœur, donne-moi ton sourire, rien que pour aujourd'hui ! »

La remise du soir

Le soir, avant de dormir, une prière de remise entre les mains de Dieu pacifie et prépare au sommeil :

« Seigneur, je remets entre tes mains cette journée qui s'achève. Merci pour les grâces reçues. Pardon pour mes manquements. Je te confie ceux que j'ai rencontrés, ceux que j'aime, ceux qui souffrent. Pendant mon sommeil, veille sur moi et sur les miens. Que ton amour me garde en paix. »

Cette pratique simple mais régulière éduque progressivement notre cœur à la confiance. Nous apprenons à tout remettre à Dieu, à ne rien garder pour nous dans l'anxiété, à dormir en paix comme l'enfant dans les bras de son père.

2.7. L'apprentissage du lâcher-prise

La vie moderne nous pousse à tout vouloir contrôler, planifier, maîtriser. Apprendre à lâcher prise — sur certains résultats, sur l'opinion des autres, sur nos projets quand Dieu en dispose autrement — est un exercice quotidien de confiance.

Distinguer ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas

Les stoïciens avaient déjà formulé ce principe de sagesse : il faut distinguer soigneusement ce qui dépend de nous (nos pensées, nos choix, nos efforts) et ce qui ne dépend pas de nous (les événements extérieurs, les décisions d'autrui, le passé, la mort).

Cette distinction est capitale pour le lâcher-prise chrétien. Nous devons assumer pleinement ce qui dépend de nous : travailler avec compétence, aimer avec générosité, agir avec justice. Mais nous devons confier à Dieu ce qui ne dépend pas de nous : les résultats, l'avenir, les circonstances.

Lâcher prise sur les résultats

Nous voulons non seulement agir, mais aussi voir les fruits de notre action, contrôler les résultats. Or, le lâcher-prise implique de poser nos actes avec droiture et compétence, puis de confier les résultats à Dieu.

C'est particulièrement difficile dans nos vies professionnelles, éducatives, apostoliques : nous voudrions mesurer, quantifier, vérifier l'efficacité. Le lâcher-prise chrétien nous rappelle que l'essentiel échappe à nos mesures et que Dieu fait fructifier nos actions de manières que nous ne voyons pas toujours.

Saint Ignace de Loyola formulait ainsi cette attitude : « Agis comme si tout dépendait de toi, en sachant qu'en réalité tout dépend de Dieu. »

Lâcher prise sur l'opinion des autres

Beaucoup de notre anxiété vient de la peur du jugement d'autrui. Que va-t-on penser de moi ? Que va-t-on dire ? Cette préoccupation excessive pour l'opinion des autres nous emprisonne et nous empêche d'être nous-mêmes.

Le lâcher-prise chrétien nous libère de cette servitude. Non que l'opinion des autres soit sans importance : nous devons tenir compte des conseils sages, de la correction fraternelle, du discernement communautaire. Mais nous ne devons pas faire de l'opinion d'autrui notre idole.

Saint Paul l'exprime fortement : « Si je cherchais encore à plaire aux hommes, je ne serais pas serviteur du Christ » (Ga 1, 10). Notre référence ultime n'est pas le jugement des hommes, mais celui de Dieu qui « sonde les reins et les cœurs » et qui nous connaît mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes.

Lâcher prise sur nos projets

Nous faisons des projets, nous échafaudons des plans, nous imaginons l'avenir. Tout cela est légitime et nécessaire. Mais nous devons tenir ces projets d'une main légère, prêts à les modifier ou à les abandonner si Dieu nous montre un autre chemin.

Le livre des Proverbes le dit avec humour : « Le cœur de l'homme médite sa voie, mais c'est l'Éternel qui dirige ses pas » (Pr 16, 9). Nous pouvons planifier, mais c'est finalement Dieu qui conduit notre histoire, souvent de manière imprévisible.

Cette disponibilité aux imprévus de Dieu est au cœur de la confiance. Nous ne nous accrochons pas à nos plans comme à des absolus, mais nous restons souples, attentifs aux signes de la Providence, prêts à dire avec Marie : « Qu'il me soit fait selon ta parole. »

2.8. La communauté ecclésiale

La confiance ne se vit pas en solitaire. L'Église, corps du Christ, est le lieu où nous soutenons mutuellement notre foi et notre confiance. Le témoignage des frères et sœurs qui traversent l'épreuve dans la foi, le partage de nos expériences spirituelles, la célébration commune des sacrements : tout cela nourrit et fortifie notre confiance personnelle.

La communion des saints

La foi chrétienne affirme la « communion des saints » : nous formons un seul corps avec tous les croyants, vivants et défunts, sur terre, au purgatoire et au ciel. Cette communion n'est pas une métaphore, mais une réalité spirituelle profonde.

Quand notre confiance vacille, nous pouvons nous appuyer sur celle des autres. Quand nous traversons la nuit obscure, nous pouvons nous fier à ceux qui ont traversé avant nous et témoignent que Dieu est fidèle. Les saints ne sont pas des super-héros inaccessibles, mais des frères et sœurs qui ont fait confiance avant nous et qui intercèdent pour nous.

Le témoignage mutuel

Dans les communautés chrétiennes vivantes (paroisses, groupes de prière, mouvements), les croyants partagent leurs expériences de foi. Entendre un frère raconter comment Dieu l'a porté dans l'épreuve, écouter une sœur témoigner de la fidélité divine, cela nourrit puissamment notre propre confiance.

Ces témoignages nous rappellent que nous ne sommes pas seuls, que d'autres ont vécu ce que nous vivons, que Dieu ne change pas : celui qui a été fidèle hier le sera encore aujourd'hui et demain.

L'accompagnement spirituel

Un accompagnement spirituel régulier (avec un prêtre, un diacre, un laïc formé) peut être d'une grande aide pour cultiver la confiance. Un accompagnateur expérimenté aide à discerner les motions de l'Esprit, à identifier les obstacles intérieurs, à grandir progressivement dans l'abandon à Dieu.

Cet accompagnement n'est pas une béquille dont on dépendrait indéfiniment, mais un soutien temporaire qui aide à marcher de ses propres pieds dans la confiance. Comme le dit l'adage spirituel : « Un bon accompagnateur rend libre. »

III. La confiance face aux crises contemporaines

Dans un monde marqué par l'incertitude et la peur, la confiance chrétienne n'est pas une fuite de la réalité mais, au contraire, une manière profondément réaliste d'habiter le monde. Elle ne nie pas les difficultés, mais les affronte avec l'assurance que Dieu est présent et agissant, même quand nous ne le voyons pas.

3.1. Face à la crise écologique

La crise environnementale que nous traversons est sans précédent : dérèglement climatique, perte de biodiversité, pollution des océans, déforestation massive. Les rapports scientifiques se succèdent, chacun plus alarmant que le précédent. Comment garder confiance face à cette menace existentielle ?

La confiance n'est pas l'insouciance

Faire confiance en Dieu ne signifie pas fermer les yeux sur la gravité de la situation. Au contraire, la confiance chrétienne nous libère pour regarder lucidement la réalité sans tomber dans le déni ou le désespoir paralysant.

La création appartient à Dieu. Il l'a confiée à l'homme pour qu'il en soit le gardien responsable, non le prédateur. Reconnaître que la terre est à Dieu ne nous dispense pas de nos responsabilités écologiques, mais nous y engage d'autant plus : nous devons rendre compte à Dieu de ce qu'il nous a confié.

La confiance libère pour l'action

Paradoxalement, c'est la confiance qui permet l'engagement écologique le plus authentique. Pourquoi ? Parce qu'elle nous délivre de deux tentations opposées :

  • Le déni : « Ce n'est pas si grave, la technologie trouvera des solutions, on s'en est toujours sortis. » Ce déni est une fausse confiance qui refuse de voir la réalité.
  • Le désespoir : « C'est trop tard, tout est foutu, on va à la catastrophe. » Ce désespoir paralyse et empêche l'action.

La vraie confiance chrétienne tient un autre langage : « La situation est grave, le défi est immense, mais Dieu n'abandonne pas sa création. Il nous appelle à agir avec lui pour guérir la terre. Nos efforts ne seront pas vains, même s'ils semblent dérisoires, car Dieu fait fructifier le peu que nous offrons. »

L'encyclique Laudato Si'

Le pape François, dans son encyclique Laudato Si' (2015), appelle à une « écologie intégrale » qui prend en compte à la fois l'environnement naturel et la dignité humaine. Il dénonce la « culture du déchet » et invite à une conversion écologique profonde.

Cette écologie intégrale repose sur la confiance : confiance que la création est fondamentalement bonne (« Dieu vit que cela était bon »), confiance que l'homme peut changer, confiance que des gestes simples (sobriété, partage, respect de la nature) ont un sens et une portée.

François écrit : « L'espérance nous invite à reconnaître qu'il y a toujours une voie de sortie, que nous pouvons toujours reprendre le cap, que nous pouvons toujours faire quelque chose pour résoudre les problèmes » (Laudato Si', 61). Cette espérance n'est pas optimisme naïf, mais confiance théologale.

3.2. Face aux crises sociales et politiques

Notre époque connaît des tensions sociales et politiques aiguës : montée des extrémismes, fractures identitaires, guerres, migrations forcées, inégalités croissantes. Ces crises peuvent engendrer colère, haine, peur de l'autre, tentation du repli.

La confiance garde de la haine

Face à l'injustice, à la violence, à l'oppression, la tentation est grande de répondre par la haine, la vengeance, la violence. Or, comme le disait Martin Luther King, « les ténèbres ne peuvent pas chasser les ténèbres, seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine, seul l'amour le peut. »

La confiance en Dieu nous garde de cette spirale de la haine. Elle nous rappelle que Dieu est le maître de l'histoire, que le dernier mot n'appartient jamais au mal, que la justice divine finira par triompher. Cette certitude libère notre action : nous pouvons lutter pour la justice et la paix sans être rongés par la haine ou écrasés par le désespoir.

La confiance libère l'engagement politique

Certains pensent que la confiance en Dieu conduit à la passivité politique : « À quoi bon s'engager puisque Dieu s'occupe de tout ? » C'est un grave contresens. La confiance ne dispense pas de l'engagement, elle le libère et le purifie.

Le chrétien qui fait confiance en Dieu peut s'engager totalement pour la justice sociale, pour les droits des pauvres, pour la paix, sans que cet engagement devienne une idole. Il sait que le Royaume de Dieu ne se construit pas seulement par l'action politique, mais il sait aussi que l'action politique est nécessaire pour transformer les structures de péché.

La confiance permet un engagement tenace sans amertume ni désespoir. Même quand les résultats tardent, même quand les régressions sont nombreuses, le chrétien persévère parce qu'il sait que Dieu travaille avec lui et que rien n'est jamais perdu de ce qui est fait par amour.

L'exemple de figures prophétiques

Le XXe siècle a vu surgir de grandes figures qui ont uni confiance en Dieu et engagement politique : Martin Luther King luttant pour les droits civiques, Dorothy Day fondant le Catholic Worker Movement, Oscar Romero défendant les pauvres au Salvador, Nelson Mandela œuvrant pour la réconciliation en Afrique du Sud.

Tous ces témoins ont puisé dans leur foi la force de lutter contre l'injustice sans se laisser gagner par la haine. Leur confiance en Dieu leur a permis de tenir bon dans les pires épreuves, de pardonner à leurs persécuteurs, de croire qu'un monde plus juste était possible.

3.3. Face aux épreuves personnelles

Au-delà des grandes crises collectives, chacun traverse des épreuves personnelles : maladie, deuil, échec, chômage, rupture, solitude, souffrance morale. Comment vivre la confiance dans ces moments où tout semble s'effondrer ?

La confiance ne supprime pas la souffrance

Il faut être clair : la confiance en Dieu ne nous épargne pas les épreuves. Jésus lui-même, le Fils bien-aimé, a connu l'angoisse à Gethsémani, l'abandon sur la croix. Saint Paul, malgré sa foi immense, a vécu la « nuit obscure », l'épreuve de l'« écharde dans la chair » que Dieu refusait d'enlever.

La confiance ne nous met pas à l'abri de la souffrance, mais elle change notre manière de la vivre. Elle lui donne un sens, elle nous unit au Christ crucifié, elle nous ouvre à l'espérance de la résurrection.

Romains 8, 28 : « Tout concourt au bien »

Saint Paul écrit : « Nous savons qu'avec ceux qui l'aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien » (Rm 8, 28). Ce verset est souvent mal compris. Paul ne dit pas que tout ce qui arrive est bon en soi (le mal reste le mal), mais que Dieu peut tirer un bien même du pire mal.

Cette conviction fonde la confiance dans l'épreuve. Nous ne comprenons pas pourquoi nous souffrons, nous ne voyons pas de sens immédiat à cette épreuve. Mais nous faisons confiance que Dieu, d'une manière qui nous dépasse, peut transformer même cette souffrance en chemin de croissance, de purification, de sainteté.

Le témoignage de Job

Le livre de Job explore en profondeur la question de la souffrance de l'innocent. Job perd tout : ses biens, ses enfants, sa santé. Ses amis l'accusent d'avoir péché. Sa femme lui conseille de « maudire Dieu et mourir ». Job lui-même se plaint, proteste, interroge Dieu avec véhémence.

Mais au bout du chemin, Job fait cet acte de confiance : « Même s'il me tuait, je mettrais encore en lui mon espérance » (Jb 13, 15, selon certaines traductions). Et à la fin, après que Dieu lui ait parlé depuis le tourbillon, Job s'exclame : « Je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant mon œil t'a vu » (Jb 42, 5).

L'épreuve, mystérieusement, peut devenir le lieu d'une connaissance plus profonde de Dieu. Non une connaissance théorique, mais une connaissance expérientielle, viscérale. Dans l'épreuve, si nous gardons la confiance, nous découvrons que Dieu est présent même dans la nuit la plus obscure.

La patience dans l'épreuve

La confiance dans l'épreuve implique souvent une longue patience. Nous voudrions que la souffrance cesse immédiatement, que Dieu intervienne maintenant. Mais parfois, Dieu semble silencieux, absent, sourd à nos prières.

La patience chrétienne n'est pas résignation passive, mais persévérance confiante. C'est continuer à prier même quand le ciel semble fermé, continuer à espérer même quand tout semble perdu, continuer à aimer même quand on ne sent plus rien.

Cette patience s'apprend lentement, au fil des épreuves traversées. Chaque fois que nous tenons bon dans la confiance et que nous voyons, rétrospectivement, que Dieu était présent même quand nous ne le sentions pas, notre confiance s'affermit pour les épreuves suivantes.

3.4. Face à la mort

La mort est l'épreuve ultime, l'horizon incontournable de toute existence humaine. Comment la confiance chrétienne affronte-t-elle cette réalité ?

La mort, lieu de la confiance suprême

Jésus sur la croix a prononcé cette prière de confiance totale : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Lc 23, 46). Ces paroles citent le Psaume 31, prière de confiance dans l'épreuve. Le Christ mourant fait confiance au Père, même au moment où il semble abandonné (« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? »).

La mort chrétienne est un acte de confiance. Nous remettons notre vie, notre esprit, tout ce que nous sommes entre les mains du Père. Nous nous abandonnons à lui comme l'enfant s'endort dans les bras de son père.

Cette confiance ne nie pas l'angoisse naturelle devant la mort. Jésus lui-même a connu cette angoisse à Gethsémani : « Mon âme est triste à en mourir » (Mt 26, 38). Mais la confiance traverse cette angoisse sans être anéantie par elle.

La résurrection, fondement de notre confiance

La confiance chrétienne face à la mort repose sur la résurrection du Christ. Parce que le Christ est ressuscité, nous croyons que la mort n'est pas la fin, mais un passage. Parce qu'il est vivant, nous croyons que nous vivrons avec lui.

Saint Paul le proclame avec force : « Si le Christ n'est pas ressuscité, notre foi est vaine » (1 Co 15, 14). Mais précisément, le Christ est ressuscité. Cette certitude fonde notre confiance : « Rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 8, 39). Ni la vie, ni la mort, ni aucune créature.

Accompagner les mourants dans la confiance

L'Église a développé une sagesse particulière pour accompagner les mourants : les sacrements des malades (onction, communion, confession), les prières de commendatio animae (recommandation de l'âme), la présence aimante.

Tout cet accompagnement vise à aider le mourant à partir dans la confiance. On lui rappelle les promesses de Dieu, on prie avec lui, on l'aide à confier sa vie à Dieu. Cette présence fraternelle est essentielle : elle signifie au mourant qu'il n'est pas seul, que la communauté l'entoure de sa prière, que Dieu l'attend.

IV. Pratiques spirituelles pour cultiver la confiance

Au-delà des chemins déjà évoqués (oraison, sacrements, Parole de Dieu), l'Église propose des pratiques spirituelles spécifiques qui nourrissent la confiance.

4.1. Le Chapelet de la Miséricorde Divine

Révélé à sainte Faustine Kowalska dans les années 1930, ce chapelet se récite sur un chapelet ordinaire. Il est particulièrement recommandé de le dire à 15h, heure de la mort du Christ.

Structure du Chapelet de la Miséricorde

Sur les gros grains :
« Père éternel, je t'offre le Corps et le Sang, l'Âme et la Divinité de ton Fils bien-aimé, Notre Seigneur Jésus-Christ, en réparation de nos péchés et de ceux du monde entier. »

Sur les petits grains :
« Par sa douloureuse Passion, sois miséricordieux pour nous et pour le monde entier. »

Conclusion (trois fois) :
« Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Éternel, prends pitié de nous et du monde entier. »

Cette prière, très simple, nous plonge dans le mystère de la Croix comme source de la miséricorde divine. Elle nous apprend aussi l'intercession : prier non seulement pour nous-mêmes mais pour le monde entier. Elle cultive la confiance en nous rappelant sans cesse que Dieu est miséricordieux.

4.2. L'acte d'abandon à l'amour miséricordieux

Sainte Thérèse de Lisieux a composé, quelques mois avant sa mort, un « Acte d'offrande à l'Amour Miséricordieux ». Cette prière magnifique est un sommet de la spiritualité de la confiance.

En voici quelques extraits :

« Afin de vivre dans un acte de parfait Amour, je m'offre comme victime d'holocauste à votre Amour miséricordieux, vous suppliant de me consumer sans cesse, laissant déborder en mon âme les flots de tendresse infinie qui sont renfermés en Vous...

Ô mon Dieu ! la Trinité Bienheureuse, je désire vous Aimer et vous faire Aimer, travailler à la glorification de la Sainte Église en sauvant les âmes qui sont sur la terre et délivrant celles qui souffrent dans le purgatoire. Je désire accomplir parfaitement votre volonté et arriver au degré de gloire que vous m'avez préparé dans votre Royaume, en un mot, je désire être Sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu ! d'être vous-même ma Sainteté...

Que votre Amour Miséricordieux me couvre entièrement... Je veux être sanctifiée par vous. Je compte sur vous seul et nullement sur mes mérites, puisque je n'en ai aucun. »

Cet acte d'offrande peut être récité personnellement, en se l'appropriant dans son cœur. Il exprime parfaitement la confiance thérésienne : tout attendre de Dieu, compter uniquement sur son amour miséricordieux, s'offrir totalement à lui.

4.3. Le chapelet marial

Le chapelet traditionnel, en nous faisant méditer les mystères de la vie du Christ avec Marie, nourrit puissamment la confiance. Marie est le modèle parfait de la confiance : à l'Annonciation, elle dit « oui » à Dieu sans comprendre pleinement ; au Calvaire, elle reste debout au pied de la croix quand tous s'enfuient.

En priant le chapelet, nous contemplons la confiance de Marie et nous lui demandons de nous apprendre à faire confiance comme elle. Le Je vous salue Marie lui-même est une prière de confiance : « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. » Nous confions à Marie notre vie présente et notre mort future.

4.4. La neuvaine à la Divine Miséricorde

Cette neuvaine se fait pendant les neuf jours qui précèdent le Dimanche de la Miséricorde (dimanche après Pâques). Chaque jour, on prie pour une intention différente, en s'appuyant sur la miséricorde de Dieu.

La pratique de la neuvaine cultive la patience confiante. Nous ne demandons pas un exaucement immédiat, mais nous persévérons jour après jour dans la prière, confiants que Dieu écoute et répond à sa manière et en son temps.

4.5. Le jeûne et les œuvres de miséricorde

La confiance s'exprime aussi dans les actes concrets. Le jeûne (de nourriture, de distractions, de paroles inutiles) est un exercice de confiance : nous nous privons volontairement pour signifier que Dieu seul suffit, que notre vie ne dépend pas seulement du pain.

De même, les œuvres de miséricorde (corporelles et spirituelles) manifestent notre confiance. En donnant aux pauvres, en visitant les malades, en consolant les affligés, nous croyons que Dieu pourvoira à nos propres besoins. Nous appliquons la parole de Jésus : « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir » (Ac 20, 35).

V. Les fruits de la confiance

Quand la confiance chrétienne est vraiment vécue, elle produit des fruits reconnaissables qui transforment l'existence et le témoignage du croyant.

5.1. La paix intérieure

Le fruit premier et le plus précieux de la confiance est la paix. Non pas l'absence de problèmes ou d'épreuves, mais une paix profonde qui demeure même au cœur de la tempête.

Cette paix, Jésus l'a promise : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble pas et ne s'alarme pas » (Jn 14, 27). La paix du Christ est différente de celle du monde. Le monde promet la paix par l'absence de conflits, le confort matériel, la sécurité assurée. Le Christ donne une paix qui transcende les circonstances extérieures.

Le prophète Isaïe l'avait annoncé : « À celui qui est ferme dans ses sentiments, tu assures la paix, la paix, parce qu'il se confie en toi » (Is 26, 3). Cette paix « parfaite » (shalom shalom) est le fruit de la confiance inébranlable.

5.2. La joie véritable

La confiance engendre aussi la joie. Non pas l'euphorie superficielle, mais la joie profonde qui vient de la certitude d'être aimé de Dieu.

Saint Paul, écrivant de sa prison, peut dire aux Philippiens : « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous » (Ph 4, 4). Comment peut-il parler de joie alors qu'il est enchaîné, qu'il souffre, qu'il ne sait pas s'il va être exécuté ? Parce que sa joie ne dépend pas des circonstances extérieures, mais de sa relation confiante avec le Christ.

Cette joie est communicative. Les saints, même dans les pires épreuves, rayonnent une joie qui attire et interroge. Sainte Thérèse de Lisieux, rongée par la tuberculose, gardait un sourire qui édifiait ses sœurs. Cette joie dans la souffrance est un mystère, mais c'est le fruit authentique de la confiance.

5.3. La liberté intérieure

La confiance libère. Elle nous délivre de mille servitudes : l'anxiété du lendemain, la peur du jugement d'autrui, l'attachement désordonné aux biens matériels, la crainte de l'échec.

Cette liberté n'est pas l'indépendance orgueilleuse (« je n'ai besoin de personne »), mais la liberté des enfants de Dieu : « Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3, 17). Nous sommes libres parce que nous savons que nous appartenons à Dieu, que rien ne peut nous séparer de son amour, que nous n'avons rien à prouver puisque nous sommes déjà aimés infiniment.

Cette liberté se manifeste concrètement : capacité de prendre des décisions sans être paralysé par la peur, audace missionnaire, détachement par rapport aux honneurs et aux richesses, force pour aller à contre-courant quand la conscience l'exige.

5.4. L'amour des autres

Paradoxalement, la confiance en Dieu nous rend plus disponibles pour aimer les autres. Pourquoi ? Parce qu'elle nous délivre du besoin de recevoir constamment des autres la confirmation de notre valeur.

Celui qui cherche désespérément l'amour et la reconnaissance dans les relations humaines finit par instrumentaliser les autres : il ne les aime pas vraiment pour eux-mêmes, mais pour ce qu'ils peuvent lui apporter. La confiance en Dieu nous libère de cette dépendance affective malsaine.

Nous pouvons alors aimer gratuitement, sans attente de retour, sans calcul. Nous pouvons donner sans nous épuiser, parce que nous puisons à la source intarissable de l'amour de Dieu. Nous pouvons pardonner, même quand c'est difficile, parce que nous savons que nous sommes nous-mêmes pécheurs graciés.

5.5. La persévérance dans les épreuves

La confiance donne la force de tenir bon dans la durée, de persévérer malgré les difficultés, les échecs, les découragements.

Saint Paul peut dire : « Nous nous glorifions même dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la patience, la patience l'épreuve, et l'épreuve l'espérance » (Rm 5, 3-4). L'épreuve, loin de détruire l'espérance et la confiance, les affermit paradoxalement.

Cette persévérance n'est pas entêtement ou volontarisme. C'est une endurance confiante qui s'appuie sur Dieu : « Je peux tout en celui qui me fortifie » (Ph 4, 13). Nous tenons bon non par nos propres forces (qui s'épuiseraient vite), mais par la force que Dieu donne jour après jour.

5.6. Le témoignage lumineux

Enfin, la confiance vécue devient un témoignage puissant pour ceux qui nous entourent. Dans un monde anxieux, désespéré, cynique, voir quelqu'un qui traverse les épreuves dans la paix et la confiance pose question.

Ce témoignage silencieux est souvent plus éloquent que tous les discours. Comme le disait saint François d'Assise : « Prêchez l'Évangile en tout temps ; si nécessaire, utilisez des mots. » Notre manière de vivre, notre paix intérieure, notre joie même dans l'épreuve, sont autant de signes qui pointent vers Celui en qui nous mettons notre confiance.

Conclusion : « C'est la confiance »

Au terme de ce parcours à travers les fondements bibliques, les témoignages des saints et les défis contemporains, une vérité se dégage avec force : la confiance est le cœur même de la vie chrétienne.

Ce n'est pas une vertu parmi d'autres, qu'on pourrait cultiver ou négliger à volonté. C'est l'attitude fondamentale du croyant face à Dieu, celle qui conditionne toute la vie spirituelle. Sans la confiance, la foi devient crispation anxieuse, l'espérance se dessèche en désespoir, la charité s'épuise dans l'activisme.

Dans notre monde contemporain, marqué par l'anxiété, la perte de sens, la précarité généralisée, la confiance chrétienne n'est pas un vestige du passé mais une réponse actuelle et pertinente. Elle ne nous fait pas fuir les défis de notre temps, mais nous donne la force de les affronter avec réalisme et espérance.

Face aux crises — écologique, sociale, personnelle — la confiance ne nous dispense pas d'agir, mais libère notre action. Nous pouvons nous engager totalement sans être écrasés par l'angoisse de l'échec, car nous savons que le dernier mot appartient à Dieu, et que rien n'est jamais perdu de ce qui est fait par amour.

Dans les épreuves, la confiance ne supprime pas la souffrance mais la transforme. Elle nous unit au Christ crucifié et nous ouvre à l'espérance de la résurrection. Elle nous donne la force de tenir bon, jour après jour, en croyant que Dieu peut tirer un bien même du pire mal.

Au quotidien, la confiance se cultive par des pratiques spirituelles simples mais régulières : oraison, sacrements, méditation de la Parole, examen de conscience, remise de sa journée à Dieu. Ces exercices, loin d'être des contraintes, sont des chemins de liberté et de paix.

Le message central que nous avons découvert tout au long de ce parcours peut se résumer dans la parole de sainte Thérèse de Lisieux : « C'est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l'Amour. » Cette parole radicale fait de la confiance non pas un moyen parmi d'autres, mais l'unique chemin vers la plénitude de l'amour divin.

Notre époque a besoin de témoins de la confiance. Dans un monde où l'anxiété paralyse, où le cynisme stérilise, où le désespoir étouffe, les chrétiens sont appelés à être des signes vivants que faire confiance est possible, que cette confiance libère, qu'elle rend heureux.

Cette confiance ne repose pas sur nos mérites, nos forces, nos vertus. Elle se fonde uniquement sur la fidélité de Dieu, sa puissance miséricordieuse, son amour paternel inconditionnel. C'est pourquoi elle est accessible à tous : aux grands et aux petits, aux forts et aux faibles, aux justes et aux pécheurs.

Comme l'a vécu Abraham, le père des croyants, la confiance est un chemin qui se fait en marchant. Nous ne comprenons pas toujours où Dieu nous mène, nous ne voyons pas toujours le sens de ce qu'il permet. Mais nous faisons confiance, nous avançons pas à pas, certains qu'il nous conduit vers une terre promise dont nous ne pouvons encore imaginer la beauté.

Comme l'a enseigné saint Augustin, cette confiance naît d'une rencontre personnelle avec le Dieu-Trinité, dans l'intimité du cœur. Elle n'est jamais contrainte de l'extérieur, mais jaillit de l'expérience intérieure de l'amour divin.

Comme l'a systématisé saint Thomas d'Aquin, la confiance est une vertu théologale intimement liée à l'espérance. Elle met notre confiance dans les promesses du Christ et prend appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit.

Comme l'a vécu saint François de Sales, le trône de la miséricorde de Dieu est notre misère même. Plus nous sommes misérables, plus nous devons avoir confiance. Car la miséricorde divine se déploie d'autant plus que nous reconnaissons humblement notre besoin d'elle.

Comme l'a proclamé sainte Thérèse de Lisieux, on n'a jamais trop de confiance dans le bon Dieu si puissant et si miséricordieux. Même si nous avions commis tous les crimes possibles, notre confiance devrait rester la même, car elle se fonde non sur nous mais sur l'amour infini de Dieu.

Puissions-nous, à l'école de ces maîtres spirituels et fortifiés par la grâce, grandir chaque jour dans cette confiance qui ouvre les portes du Royaume. Puissions-nous devenir, pour notre monde anxieux, des témoins lumineux de cette vérité libératrice : Dieu est digne de confiance, absolument, totalement, définitivement.

Concluons avec les paroles de saint Paul qui résument magnifiquement le mystère de la confiance chrétienne :

« Je suis sûr que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l'avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs, ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 8, 38-39).

C'est sur cette certitude inébranlable que repose notre confiance. C'est elle qui nous permet, chaque jour, de remettre notre vie entre les mains du Père, comme Jésus lui-même l'a fait sur la croix : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Lc 23, 46).

Alors oui, vraiment : C'est la confiance !

— Bénédicte de F.

Bibliographie

Textes fondateurs

Bible catholique Crampon 1923 (BCC1923). Traduction de référence consultée pour tous les passages bibliques cités.

Pères et Docteurs de l'Église

AUGUSTIN D'HIPPONE, Saint (354-430), Les Confessions, notamment Livre XI.

THOMAS D'AQUIN, Saint (1225-1274), Somme Théologique, IIa-IIae, questions 17-22 sur l'espérance et les vertus théologales.

FRANÇOIS DE SALES, Saint (1567-1622), Entretiens spirituels, notamment le Deuxième entretien.

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FAUSTINE KOWALSKA, Sainte (1905-1938), Petit journal de Sainte Faustine, notamment les révélations sur le Chapelet de la Miséricorde Divine. Éditions Hovine, 1985.

Spiritualité et théologie

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JEAN DE LA CROIX, Saint (1542-1591), La montée du Carmel et La nuit obscure de l'âme. Éditions du Cerf, 1990.

GUIGO II LE CHARTREUX, L'échelle des moines, XIIe siècle. Traité monastique sur les quatre degrés de la lectio divina.

Magistère de l'Église

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PAPE FRANÇOIS, Laudato Si' - Sur la sauvegarde de la maison commune, encyclique, Vatican - Saint-Siège, 24 mai 2015.

PAPE BENOÎT XVI, Spe Salvi - Sauvés dans l'espérance, encyclique, Vatican - Saint-Siège, 30 novembre 2007.

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Études théologiques et académiques

THEISSEN, Gerd, « La foi comme confiance inconditionnelle : perspectives théologiques », Études théologiques et religieuses, 2011/3, vol. 86, p. 373-398.

SCHOLTUS, Robert, Faut-il lâcher prise ? Splendeurs et misères de l'abandon spirituel, Bayard, Paris, 2008.

AUTREUX, Patrick, Thérèse de Lisieux, la confiance et l'abandon, anthologie présentée, éditions du Seuil, coll. Points Sagesses, 2015.

RATZINGER, Joseph (Benoît XVI), La mort et l'au-delà, Fayard, 1979.

GUARDINI, Romano, Initiation à la prière, Éditions Alsatia, 1951.

MARTINI, Carlo Maria, La joie de l'Évangile. Lectio divina sur saint Luc, Médiaspaul, 2014.

RUPNIK, Marko Ivan, L'art de la vie spirituelle, Éditions Lethielleux, 2011.

Sociologie et philosophie contemporaine

BAUMAN, Zygmunt, La vie liquide, Fayard/Pluriel, 2013.

HAN, Byung-Chul, La société de la fatigue, Circé, 2014.

HERVIEU-LÉGER, Danièle, Le pèlerin et le converti. La religion en mouvement, Flammarion, 1999.

LIPOVETSKY, Gilles, L'ère du vide. Essais sur l'individualisme contemporain, Gallimard, 1983.

Spiritualité contemporaine et témoignages

KING, Martin Luther, La force d'aimer, Casterman, 1964.

FOUCAULD, Charles de (Bienheureux), Prière d'abandon, composée le 1er novembre 1896.

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